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  • Gaianee

Sous la montagne

Edmia souffla sur ses doigts gelés. L’air tiède se cristalisa dans l’air sous forme de vapeur avant de se dissiper aussitôt après. Cela ne l’apaisa qu’une fraction de seconde. Ses doigts demeurèrent froids et gourds, aussi entreprit-elle de se frictionner les mains dans l’espoir de rétablir sa circulation sanguine.


Se faisant, elle releva son regard fatigué vers le paysage qui s’étendait devant elle. Une vague de découragement l’accabla avant qu’elle ne la chasse d’un roulement d’épaule.

De la roche. Des montagnes. De la roche. Un chemin escarpé. De la roche encore. Et cette brume environnante qui se faisait de plus en plus dense à mesure de leur ascension.

La jeune druidesse lança un regard sur la silhouette masculine qui progressait devant elle, tout à fait à son aise malgré le climat de moins en moins clément. Heureusement que Nevra était là. Sans lui, la jeune femme aurait été moins sereine et enthousiaste à l’idée d’effectuer cette mission.


Certes, cette dernière comportait a priori peu de risques, la partie la plus pénible étant davantage le voyage en lui-même puisqu’il leur fallait traverser des contrées hostiles à la vie sédentaire et franchir une montagne. Celle-ci n’était pas très haute mais assez pour qu’Edmia parvienne à ressentir le manque d’oxygène à mesure qu’elle s’approchait du sommet. Heureusement que Nevra et elle étaient censés entamer la descente dès le lendemain…


Le but du voyage était de parvenir de l’autre côté de la montagne afin d’inspecter le tunnel que des Nains construisaient en son flanc. Ce tunnel, une fois terminé, lierait les contrées d’Eel à celles d’Erilir. Ce projet d’une grande importance était soutenu par la Garde d’Eel et par les Purrekos qui y voyaient la possibilité de développer leurs échanges et leur commerce. Seulement voilà: les Nains avaient dû interrompre leur travaux en raison de la détection de minéraux suspects dégageant un gaz nocif qui n’était pas sans rappeler celui qui avait contaminé les grottes de Balenvia.

La Garde d’Eel avait immédiatement pensé à des fragments corrompus du Cristal. Afin d’en être certaine, Nevra et Edmia avaient été envoyés en reconnaissance. Nevra pour ses qualités de chef de l’Ombre à relever des informations fiables et pertinentes. Edmia pour ses compétences en alchimie qui permettrait d’évaluer le degré de dangerosité des minéraux et plus précisément d’établir s’il s’agissait bien d’un ou de plusieurs morceaux du Cristal.


Edmia ferma les yeux un instant, le temps de se redonner du courage. La nuit tomberait d’ici deux ou trois heures, elle devait tenir bon. Malgré son caractère aventureux, son endurance n’était pas au beau fixe et elle s’épuisait vite. Elle préférait toutefois mourir que de ralentir Nevra, aussi prenait-elle sur elle.

Elle jeta néanmoins un coup d’oeil envieux à leur monture qui cheminait tranquillement à ses côtés. Le Shawkow’ bow, malgré ses qualités de destrier, ne servait qu’à transporter leurs bagages.


“Tu vas bien?”


Edmia eut un léger sursaut en entendant la voix grave de Nevra s’élever tout près d’elle. Celui-ci s’était arrêté pour se tourner vers l’Absynthe, attendant qu’elle parvienne à sa hauteur. Cette dernière sentit le rouge lui monter aux joues. Elle ne voulait pas que le Vampire la croit fragile. Elle le rejoignit promptement avec un sourire aux lèvres:


“Oui, ne t’en fais pas. Le chemin est long mais comme tu peux le constater, je suis toujours debout.”


Le Capitaine de l’Ombre lui rendit son sourire.


“Tu n’as pas besoin de feindre avec moi, tu sais. J’entends les battements erratiques de ton coeur et ton souffle court, je me doute que la montée ne doit pas être évidente pour toi. Nous pouvons faire une pause si tu veux.”


Edmia grimaça, embarrassée.


“Je ne veux pas nous retarder.

-Ce qui nous retarderait, ce serait que tu tombes d’épuisement à cause du rythme que je nous impose.”


Lentement, un sourire taquin étira les lèvres de la Druidesse. Elle donna un léger coup de coude dans le bras de Nevra:


“En vérité, je perds le souffle à cause des sous-entendus douteux que tu fais depuis deux minutes sans t’en rendre compte, mais surtout à cause de la charmante vision que tu m’offres à marcher devant moi.”


Les sourcils du Vampire se haussèrent avant qu’il n’éclate de rire, amusé. Tout en se remettant en route, il étreignit tendrement sa compagne et déposa un baiser dans sa chevelure châtain.


“Tu me fascines un peu plus à chaque jour qui passe, murmura-t-il en la gratifiant d’un regard doux. Ne change jamais.”


Ces mots touchèrent le coeur d’Edmia et réchauffèrent son corps engourdis par le froid. Pour toute réponse, elle se blottit contre le Vampire, passant un bras autour de sa taille tandis que le Shawkow’bow continuait de les suivre placidement.


Du moins, jusqu’au moment où il laissa échapper un cri de panique en ruant brusquement. Nevra et elle eurent juste le temps de s’écarter avant de se prendre un coup de griffe malencontreux. Nevra relâcha sa compagne pour s’emparer avec vivacité du licol de la monture qui cherchait à fuir. La bête lâcha un cri strident en se débattant, et le Vampire eut toutes les peines du monde à la retenir. Edmia, bouche bée, cherchait à comprendre ce qui la terrorisait en lançant des regards frénétiques autour d’elle.


Soudain, il sembla à l’Absynthe qu’une légère vibration parcourait le sol, juste sous ses semelles. Elle crut se méprendre, mais lorsque les tremblements s’intensifièrent, faisant tressauter les gravats au sol, elle sut qu’elle ne rêvait pas.


“Qu’est-ce que...commença-t-elle, inquiète.”


La jeune femme n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Tout à coup, une fissure lacéra le sol juste sous ses pieds. Elle poussa un cri en sentant la terre se dérober sous elle. Elle ne dût qu’à un heureux réflexe de ne pas chuter dans la crevasse qui venait de se former à l’endroit exact où elle s’était tenue un peu plus tôt.


“Edmia! S’écria Nevra, qui, les muscles bandés, tentait d’entraîner leur monture à l’écart de la lézarde qui continuait de serpenter au sol jusqu’à ce qu’ils la perdent de vue.


“Je vais b...fit la Druidesse, en esquissant un pas vers lui.”


Elle ne termina pas sa phrase. Dans un grondement de fin du monde, le sol se craquela sous elle et elle se sentit basculer dans le vide. Terrifiée, la jeune femme parvint à se retenir au bord du gouffre juste avant qu’il ne l’emporte.


“Nevra! Hurla-t-elle en manquant de s’étrangler en inhalant de la poussière.”


Celui-ci était déjà sur elle. A plat ventre par terre, il lui saisit les bras avec force. Malgré cela, Edmia se sentit glisser.


“Nevra, je tombe! Glapit-elle en essayant de s’accrocher à son amant.

-Il en est hors de question, grogna-t-il, la mâchoire crispée par l’effort.”


Edmia le sentit qui la tirait vers lui, vers la vie. Ses pieds cherchèrent une prise le long de la paroi rocheuse afin de lui permettre de se hisser, mais chacune d’elles s’effritait dès qu’elle prenait appui dessus.


Heureusement elle sentit que Nevra parvenait à la soulever. Son visage était si proche du sien. Au moment où elle crut qu’elle était sauvée, qu’ils allaient survivre, une nouvelle secousse ébranla la roche.


Les deux amants n’eurent que le temps d’un dernier regard. Un léger souffle de l’un et de l’autre sur leurs lèvres, avant que le sol ne disparaisse tout à fait et que le vide ne les engloutisse.


Edmia entendit Nevra hurler son nom. Elle même cria. Puis plus rien.




*

* *



Ce fut la nausée qui la réveilla. La douleur aussi, diffuse dans tout son corps.

Edmia émit un râle de souffrance tandis que se dissipaient les ténèbres de l’inconscience.

Elle avait l’impression qu’on lui avait plongé la tête sous l’eau tant les sons et les images lui paraissaient distordus. Tout était flou et sourd. La seule chose qui lui parvenait avec netteté était la douleur vive qui émanait de l’arrière de son crâne.

Avec précaution, Edmia bougea ses bras et ses jambes. A priori, elle n’avait rien de cassé de ce côté-là. Sa tête, en revanche, l’élançait atrocement et lorsqu’elle porta une main tremblante à sa nuque, elle la retira pleine de sang.

La Druidesse s’efforça de respirer calmement malgré l’élan de panique qui menaçait de la submerger. Ce n’était peut-être pas si grave. Les blessures à la tête étaient toujours impressionnantes en raison de la quantité de sang qui pouvait s’en écouler. Bien qu’elle ignorait combien de temps elle avait perdu connaissance, la jeune femme s’estima chanceuse d’être en un seul morceau. A en juger par la profondeur du ravin, la chute aurait pu lui être fatale.


“Edmia!”


Une vague de soulagement la submergea en entendant la voix de Nevra. Elle n’eut pas le temps de se tourner vers lui que le Vampire était déjà sur elle. Il palpa son corps à la recherche de blessures, son oeil valide la scrutant avec un mélange d’angoisse et de joie.


“Où es-tu blessée? Je sens…”


Il s’interrompit en apercevant sa blessure à la tête. Edmia vit sa pupille se dilater à la vue de son sang, mais le capitaine de l’Ombre demeura stoïque. Edmia, quant à elle, cilla, étourdie par la gravité de leur situation.

Elle vit Nevra fouiller dans la petite sacoche qui pendait à son ceinturon pour en sortir deux fioles miraculeusement intactes, deux carrés de tissu immaculé et une bande de gaze. La jeune femme laissa son partenaire la soigner, ses yeux d’un sombre violet parcourant son visage et son corps.


“Et toi...tu n’as rien? parvint-elle à murmurer, soulager d’entendre qu’elle parlait normalement.”


C’était bon signe, même si le risque d’un traumatisme crânien n’était pas tout à fait écarté.

Tout en s’affairant à désinfecter sa plaie à la tête, ce qui au passage la fit grimacer, Nevra répondit:


“Quelques blessures et une côte légèrement fêlée. Mais ne t’en fais pas, c’est en cours de guérison.”


Edmia soupira et envia les capacités régénératives des Vampires. Toutefois, le teint plus pâle que d’ordinaire de son amant ne la rassurait pas. Bien que Nevra s'efforçait de ne rien laisser paraître, certains signes ne pouvaient tromper l’Absynthe. Son partenaire arrivait à cours d’énergie, et cela signifiait…


“J’ai envoyé Sheïtan chercher de l’aide. Nous resterons ici en attendant les secours, afin de limiter les risques. Ce qu’il s’est passé...n’a rien de naturel.”


Edmia planta ses yeux dans ceux de Nevra, confuse.


“Sheïtan? Et que veux-tu dire par “rien de naturel”?”


Le Vampire sourit faiblement malgré leur situation peu envieuse.


“Sheïtan me suit toujours, qu’importe où je vais. C’est une chance, sans elle nous serions dans un sacré pétrin.

-Et le Shawkow’bow?

-Quelque part dans la nature. Avec tous nos vivres, déclara sombrement Nevra.”


En voyant l’angoisse tendre les traits de l’adorable visage d’Edmia, il feint un sourire réconfortant.


“Ne t’en fais pas. Les secours arriveront très vite. Quant à ce qu’il s’est produit...bien que les Nains ne nous aient pas parlé de tels phénomènes, j’ai l’intuition qu’on peut le relier au gaz qui émane du tunnel qu’ils sont en train de creuser.

-Est-ce possible que ce soit plutôt une conséquence de la construction du tunnel? Interrogea la Druidesse. Les travaux ont peut-être fragilisé la montagne, et..

-J’en doute. Les Nains sont d’excellents artisans et mineurs, ils ont mis des années avant de trouver l’endroit idéal pour creuser sans que cela ne comporte des risques environnementaux à court et long terme. Pour moi, il s’agit d’autre chose. Je ne serais pas étonné qu’il s’agisse des effets d’un morceau de cristal corrompu...séparé de leur corps d’origine, ils peuvent engendrer de terribles catastrophes.”


Edmia déglutit et ferma les yeux lorsque Nevra, après avoir désinfecté sa blessure, entreprit d’enrouler une bande de gaze autour de sa tête.


“J’ose espérer qu’il n’y aura pas d’autres manifestations alors...et que personne d’autre n’a été blessé.”


La main fraîche du Vampire se posa sur sa joue et son pouce caressa tendrement sa pommette. Il la dévisagea avec tendresse, un petit sourire au coin des lèvres.


“Même blessée, tu continues de penser aux autres. Comment pourrais-je ne pas t’aimer?”


La déclaration inattendue fit palpiter le coeur de la jeune femme qui se sentit fondre comme neige au soleil. Le Vampire n’était pas avare de mots et gestes affectueux, mais c’était la première fois qu’il lui avouait ouvertement son amour.

Sans chercher à se réfréner, l’Absynthe rapprocha son visage de celui de son amant pour l’embrasser. Le baiser, d’abord timide, se fit très vite passionnel. Presque vorace. Edmia gémit contre les lèvres de son amant en sentant sa langue s’insinuer dans sa bouche pour jouer avec la sienne. Une douce chaleur naquit dans le creux de son ventre et la jeune femme vint se blottir tout contre Nevra, qui semblait ne pas parvenir à étancher sa soif de l’embrasser. Il enroula ses bras autour d’elle, la maintenant prisonnière contre son torse.

Sa chaleur, son odeur, son sang...Nevra sentit qu’il allait perdre pied tandis qu’un appétit qui n’avait rien de sexuel s’emparait de lui.


Subitement, il mit fin à leur étreinte. Il poussa un grognement et s’éloigna, la mâchoire crispée.

Surprise et pantelante, Edmia le regarda, les yeux écarquillés.

Malgré la fraîcheur qui régnait dans la cavité dans laquelle ils se trouvaient, leurs étreintes l’avaient réchauffée et elle aurait aimé que Nevra continue de la serrer dans ses bras. Toutefois, en avisant sa pâleur de plus en plus flagrante et la raideur de ses mouvements, l’Absynthe comprit:


“Nevra...tu as besoin de te nourrir, pas vrai?”


Les signes ne trompaient pas. Et malgré l’incroyable discipline du Capitaine de l’Ombre, il était évident qu’il ne tiendrait pas très longtemps. Malheureusement leurs vivres, composés de poches de sang pour la plupart, avaient disparu dans la nature en même temps que leur monture.

Edmia fit rouler sa lèvre inférieure entre ses dents, inquiète. Non pas pour elle, mais pour le Vampire. Son silence grave répondit à sa question.

Doucement, elle se rapprocha de son amant mais sa voix forte s’éleva alors, la figeant sur place:


“Ne t’approche pas!”


L’homme luttait pour retrouver un semblant de contrôle. La proximité de la jeune femme mettait son sang-froid à rude épreuve. Son instinct lui hurlait de se jeter sur elle, à son cou, et de se repaître de son sang qu’il devinait délicieux. Derrière ses paupières closes, il se vit planter ses crocs dans la jolie gorge blanche, son corps chaud pressé contre lui, pour se repaître de la Druidesse jusqu’à la laisser exsangue.

Or jamais, ô grand jamais il ne lui ferait du mal. Pas alors qu’elle était devenue sa raison de vivre.


“Nevra…”


Sa voix douce, si douce...comme le grain de sa peau parfumée qu’il rêvait d’embrasser et de mordre à cet instant…


“Nevra, je t’en prie, regarde-moi.”


A contrecoeur, le Vampire entrouvrit sa paupière pour darder son oeil valide sur le beau visage d’Edmia:


“Tu peux te nourrir de moi. Je sais que tu en as besoin.”


Hélas, oui. Il avait cruellement besoin de sang. Il comptait se nourrir une fois leur campement établi, mais les événements en avaient décidé autrement. Malgré les circonstances, Nevra aurait pu tenir encore un jour ou deux. Il aurait souffert, mais il en aurait été capable. Seulement, il était avec Edmia. Sa partenaire, son amour, son amante. Elle était à lui et l’odeur de son sang était tout simplement irrésistible.


Mais il ne pouvait pas lui faire du mal. Il ne le voulait pas.


“Reste où tu es, Edmia, lui ordonna le Vampire sur un ton plus calme, malgré ses narines dilatées et le léger voile de sueur qui perlait sur son visage blafard.”


Elle sentait terriblement bon. C’était un miracle qu’il ait pu la soigner et la tenir contre lui sans perdre le contrôle. Il n’avait pas prévu l'incroyable effet qu'elle aurait sur lui, en vérité.


La jeune femme ne l’entendit pas de cette oreille. L’ouïe acérée du Vampire perçut le frottement de ses vêtements sur la roche alors qu’elle avançait vers lui.


“Nevra, fit l’Absynthe sur un ton plus ferme. J’exige que tu prennes mon sang.”


A ces mots, Nevra riva sur un elle un oeil fiévreux où étincelait la faim ainsi qu’une terrible détresse. Ses canines s’allongèrent tandis qu’il s’écriait, la bouche tordue en une horrible grimace:


“NON!”


Avant qu’elle n’ait pu esquisser le moindre geste, Edmia vit Nevra bondir hors d’atteinte, avant de disparaître tel un spectre dans les ténèbres de la grotte.




*

* *



Elle le retrouva presque une heure plus tard, assis, le dos contre une paroi rocheuse. Ses yeux étaient fermés et il se tenait aussi immobile qu’une statue. Nevra paraissait dormir mais Edmia savait qu’il n’en était rien. Elle était cependant soulagée de le voir de nouveau maître de lui-même.

Si toutefois il ne s’agissait pas d’un leurre…

Elle s’immobilisa à une distance respectable. Si elle voulait le convaincre, elle devait se montrer conciliante.


“Nevra...commença-t-elle d’une voix douce.

-C’est non, Edmia.”


La voix du Vampire avait résonné, posée et inflexible. Malgré la pénombre environnante, la Druidesse voyait que son état ne s’était pas amélioré. Il n’irait pas mieux de toute manière, pas tant qu’il ne se serait pas nourri. Pourquoi refusait-il son aide? Elle le lui proposait de son plein gré!

Edmia laissa échapper un soupir frustré:


“Ecoute...j’ai confiance en toi. Je sais que tu ne me prendras pas plus que nécessaire. Je te le propose de mon plein gré. En dépit de ma blessure, j’ai toujours toute ma tête.”


La boutade n’était destinée qu’à détendre l’atmosphère. Elle échoua.


“Tu n’as aucune idée des conséquences. Tu es blessée et tu as déjà perdu du sang. Tu dois préserver tes forces. De plus, les secours ne devraient plus tarder. Je tiendrai jusque-là, souffla le capitaine de l’Ombre.”


Edmia fit la moue. Les arguments du Vampire étaient censés mais elle ne pouvait supporter de le voir souffrir. Pas alors qu’il lui était possible de le soulager sans trop aggraver son état. Malgré sa chute, elle ne s’en tirait qu’avec une blessure à la tête. Elle avait eu une chance incroyable.

Elle serra les poings, se sentant impuissante et inutile. Pourquoi devait-il être le seul à souffrir pour eux deux? Il n’arrêtait pas de la protéger, pourquoi ne la laissait-il pas lui rendre la pareille?

Elle supporterait sa morsure. Parce qu’elle lui faisait confiance. Parce qu’elle l’aimait.

D’un pas résolu, la Druidesse s’avança vers son amant. Celui-ci réagit aussitôt. D’un bond, il fut sur ses jambes, prêt à fuir. Il gronda, terriblement mécontent:


“Edmia, je ne me répéterai pas! C’est un ordre!

-Je m’en moque! Tu pourras le rapporter à Miiko si tu veux, mais je ne te laisserai pas dans cet état! Tu m’as dit que tu m’aimais...laisse-moi te prouver que je t’aime tout autant.”


Nevra se figea à sa déclaration, visiblement troublé et ému. Edmia en profita pour combler la distance qui les séparait. Avec tendresse, elle posa sa main sur la joue de Nevra, comme il l’avait fait un peu plus tôt avec elle, et de l’autre dégagea sa gorge. L’Absynthe vit le regard du Vampire se poser sur son cou avec envie, juste avant qu’il ne cherche à se reculer. En dépit de leur promiscuité, il résistait encore.


“Je t’aime, répéta la jeune femme en souriant paisiblement. S’il te plaît, mords-moi.”


Elle l’enlaça, se blottissant contre son torse tremblant. Durant quelques secondes encore, Nevra lutta contre sa faim. Puis elle finit par avoir raison de lui.

Edmia sentit deux bras puissants se refermer autour d’elle tandis que son amant enfouissait son visage dans sa chevelure ondulée, juste entre sa mâchoire et son épaule. La jeune femme déposa un léger baiser sur la joie moite de l’homme et retint son souffle en sentant la pointe de ses canines effleurer sa peau sensible.

Elle tressaillit longuement lorsqu’il l’embrassa dans le cou, ses lèvres circulant sur sa peau frémissante, sa langue s’appliquant à réchauffer la veine qui pulsait juste en dessous. Malgré elle, elle se raidit en prévision de ce qui allait suivre et le Vampire resserra son étreinte comme pour l’empêcher de se dérober.

Puis doucement, tendrement, comme s’il n’était pas terrassé par la faim, l’homme enfonça ses canines dans sa jugulaire et commença à s’abreuver d’elle.

La Druidesse gémit lorsque la douleur se fit ressentir, mais celle-ci ne dura pas. Très vite, elle fut remplacée par une sensation grisante et purement délicieuse. Ses yeux se fermèrent et elle se laissa aller au plaisir de cette morsure déroutante qui éveillait dans son corps un désir brûlant. Confiante et fièvreuse, elle s’abandonna totalement dans les bras de son amant.

Celui-ci laissait le sang de sa compagne extasier ses sens et un soupir de bien-être gonfla sa poitrine. Elle était exquise. Encore meilleure que ce qu’il s’était imaginé. Et elle était à lui, tout à lui rien qu’à lui…

Hélas, il sentit rapidement le moment où elle ne pourrait plus en supporter davantage. Il dût se faire violence pour résister à l’envie de la vider entièrement. Son sang était si riche, si savoureux, ce serait un crime de ne pas en profiter jusqu’au bout...mais Nevra tint bon. Il décolla ses lèvres de la veine percée en deux endroits par ses canines. Quelques gouttes de vermillon perlèrent de la plaie. Sa langue les capturera, refusant de gâcher le précieux liquide. Edmia soupira, euphorique. Elle se sentait si bien, presque ivre, et surtout tellement amoureuse. Alors que le Vampire terminait de nettoyer la morsure, Edmia parsema son cou et son épaule de baisers brûlants.

Sa poitrine vint se presser davantage contre son torse ferme et Nevra perçut ses tétons durs à travers l’étoffe de son vêtement. Il sentit une faim toute autre envahir son corps et aiguiser ses sens. Très vite, il eut l’impression que son pantalon se resserrait autour de lui.


“Edmia...souffla-t-il, alors que la jeune femme continuait de se frotter contre lui, sans réaliser dans quel état elle le mettait.”


Ou peut-être bien que si, elle s’en rendait compte. Il en eut la confirmation lorsque les douces lèvres vinrent embrasser les siennes pour le faire taire. Et en dépit de leur situation précaire, de leurs blessures et du froid, Nevra ne chercha plus à résister.

Dans un grognement, il répondit au baiser de sa compagne et prit le contrôle sur leurs étreintes passionnées. Ils avaient un nouvel appétit à satisfaire.


Sans se détacher de l’Absynthe, Nevra déboutonna sa cape qu’il jeta négligemment au sol. La sienne suivit peu après. Avide, ses mains parcouraient le corps menu qui se pressait contre lui, soulevant les couches de tissus qui le maintenaient au chaud. Pour l’heure, ils étaient inutiles. Nevra comptait lui-même réchauffer le corps de sa Druidesse.

Edmia le laissa la déshabiller, elle-même impatiente de sentir sa peau nue contre la sienne. Elle le désirait tellement. Tout chez lui la faisait vibrer et malgré sa nature réservée, malgré sa timidité, elle n’avait pas peur de le lui montrer.

Sa bouche se détacha de celle de son amant pour descendre dans son cou, sur ses épaules, jusqu’à son torse imberbe qu’elle caressa avec gourmandise. Ses mains graciles ne demeuraient pas en reste, et Nevra émit un grognement étouffé en la sentant effleurer son sexe de plus en plus dur par dessus le tissu de son pantalon.

Comme pour se venger, l’homme lui arracha prestement son corset, libérant sa poitrine aux tétons érigés.

Edmia tressaillit en sentant un courant d’air froid sur ses seins et soupira d’aise lorsque les mains de Nevra vinrent les recouvrir. Et lorsqu’il les massa et fit rouler les bouts entre son pouce et son index, la jeune femme laissa échapper un gémissement. Les caresses de Nevra, son souffle et ses lèvres sur sa peau ne tardèrent pas à la faire se tortiller de plaisir. Son entrejambe s’humidifia ce qui n’échappa pas aux sens aiguisés du Vampire. Aussi ne résista-t-il pas à l’envie de la torturer un peu jusqu’à lui faire crier grâce.

Edmia eut un léger hoquet en sentant la main large et virile du capitaine de l’Ombre s’insinuer sous son pantalon dont il avait pris soin auparavant de défaire le ceinturon. Elle ronronna lorsqu’il lui massa l’aine, le bout de ses doigts goûtant déjà la moiteur de son intimité. Et lorsque sa paume glissa entièrement dans sa culotte et que ses doigts écartèrent ses replis humides, Edmia fit rouler sa tête contre l’épaule de son amant en écartant davantage les cuisses.

Il commença alors son massage expert, soutirant gémissements et soupirs de la part de son amante. Elle adorait ce qu’il faisait d’elle, la manière dont il faisait chanter son corps en lui prodiguant un plaisir exquis. Sa petite main disparut à son tour sous le pantalon de Nevra et celui-ci retint son souffle en sentant ses doigts fins enserrer son érection grandissante. Les mouvements coulissants qu’elle lui administra lui arrachèrent un sifflement de plaisir. Il pouvait la sentir aller et venir le long de son membre qui prenait de plus en plus de place dans son pantalon. Elle le soulagea quelque peu en le dégageant à l’air libre, mais ses va-et-vients continuèrent d’attiser son désir avec une douceur infinie.

Le pouce de l’homme vint taquiner son petit bourgeon et Edmia sursauta alors qu’une onde de plaisir la traversa. Bon sang...c’était trop bon. Ses caresses la rendaient folle et la bouche qui suçotait la peau endolorie de son cou l’électrisait tout autant.

Elle ne protesta pas lorsque Nevra la fit doucement basculer au sol. Il ôta sa main de son intimité, ce qui la fit gémir de frustration. Pendant qu’il arrangeait leurs capes sous elle afin de lui assurer un maximum de confort, Edmia continua de le masturber avec vigueur, détaillant avec intérêt les moindres tressaillements de son visage. Elle lui faisait du bien, à n’en pas douter, et cela ne fit que l’exciter davantage.

Nevra se pencha de nouveau vers elle et sa bouche se referma autour d’un de ses tétons qu’il mordilla et suçota sous les soupirs de sa compagne. Soupirs qui gagnèrent en intensité lorsque sa main retrouva sa place contre sa féminité et qu’il reprit les caresses avec ardeur.

Quel plaisir il eut à voir sa sublime Druidesse se tortiller sous lui à mesure que ses attentions gagnaient en intensité. La jeune femme sentit les phalanges de l’homme s’introduire en elle. Son pouce continua de masser son clitoris tandis que ses doigts s’appliquaient à la préparer à une présence plus massive.

Elle laissa échapper des gémissements de plus en plus sonores à mesure que l’extase enflait en elle, savamment amené par les doigts habiles du Vampire. Guidé par ses plaintes, Nevra poursuivit ses attouchements jusqu’à ce qu’elle jouisse contre sa paume. Le corps parcouru de soubresauts dû à l’orgasme, Edmia se raccrocha à son amant, le souffle court. Rendue plus malléable encore par le plaisir, la jeune femme laissa l’homme la débarrasser de ses derniers vêtements jusqu’à ce qu’elle se retrouve entièrement nue devant lui. A son tour, il se débarrassa de ses habits et vint étendre son corps pâle sur celui de l’Absynthe. Là, il la dorlota et la caressa jusqu’à éveiller de nouveau son désir. Il ronronna contre ses lèvres qu’il captura en un baiser tendre, sa langue titillant et suçotant celle de sa partenaire.

Edmia prit son visage en coupe pour approfondir leurs étreintes, jusqu’à ce que sa main se glisse entre leurs deux corps pour s’enrouler autour de son sexe. Elle reprit ses caresses là où elle les avait interrompues, branlant le membre dur et réchauffant les bourses pleines. Nevra gémit d’aise.

Progressivement, face aux cajoleries du Vampire, Edmia écarta ses fines cuisses et avec une douceur infinie, il s’enfonça en elle.

La jeune femme laissa échapper un gémissement de bien-être en le sentant la pénétrer lentement, son membre écartant ses parois humides et chaudes jusqu’à l’épouser parfaitement. Nevra grogna contre son oreille, s’immobilisant un instant pour reprendre son souffle. Elle était si moite, si serrée autour de lui...ça le rendait fou.

Doucement, le capitaine de l’Ombre commença à bouger. Il entama une série de lents va-et-vients avant d’accroître le rythme, guidé par les gémissements de sa belle qui en réclamait davantage. Rapidement, les hanches féminines vinrent à sa rencontre tandis qu’Edmia s’adaptait au rythme imposé. Nevra émit un râle de plaisir en sentant l’humidité et la chaleur de la jeune femme s’intensifier autour de sa queue qui glissa encore plus aisément en et hors d’elle. Il accéléra le mouvement jusqu’à ce que les cris d’Edmia emplissent la grotte.

La jeune femme noua ses jambes dans son dos, guidant ainsi les mouvements de son amant qui semblait prendre un malin plaisir à la torturer. Le Vampire sourit, ralentissant volontairement ses va-et-vients malgré les coups de bassin de sa partenaire qui cherchait vraisemblablement à prendre le contrôle de leurs ébats. Il prit son temps, malgré le bord du précipice qui se rapprochait inexorablement. Contempler sa Druidesse gémissante entre ses bras, son corps à la merci du sien dans un délicieux abandon l’excitait terriblement. Elle était si belle, si attirante, et la marque dans son cou ne venait que parfaire le tableau. Comment pourrait-il se passer d’elle, désormais? C’était impossible. Chaque jour qui s’écoulait ne le faisait que l’aimer plus encore.


“Nevra...gémit la jeune femme, encore inconsciente de l’étendu de son amour.”


Il lui sourit, embrassant ses lèvres sucrées tout en la gratifiant d’un coup de rein paresseux qui ne fit qu’ajouter à son tourment.


“Je t’aime, murmura-t-il contre son oreille en se balançant doucement au-dessus d’elle. Plus que tu ne l’imagines. Plus intensément encore que l’orgasme que je m’apprête à te donner.”


Les larmes aux yeux, Edmia lui adressa un sourire tremblant. Juste avant de glapir lorsque le Vampire reprit ses déhanchements en soulevant son amante contre lui.

Il bougeait si vite qu’Edmia se sentit irrésistiblement perdre pied. Ses yeux roulèrent sous ses paupières alors que l’extase la cueillait pour la mener jusqu’au sommet du plaisir. Tout devint d’un blanc intense. Quelque part au-dessus d’elle, l’Absynthe entendit Nevra jouir à son tour dans un râle presque animal. Ils retombèrent tous deux dans les bras l’un de l’autre, toujours unis et peu pressés de s’extraire de ce sentiment de douce félicité.

Blottie contre le torse de son amant, Edmia laissa sa chaleur l’envelopper et la protéger de la morsure du froid de la nuit.




*

* *



Les secours les trouvèrent au petit matin. Ce fut les aboiements de Sheïtan qui les tirèrent de leur sommeil, nus et encore affaiblis par les évènements de la veille. Le couple s’empressa de se revêtir, radieux malgré leur état. Le Vampire paraissait en meilleure forme et ses blessures s’étaient résorbées grâce au sang donné par Edmia. Ce n’était pas suffisant, cependant, et il mordit avec reconnaissance dans les poches de sang qu’on lui donna.

Edmia, quant à elle, se sentait physiquement très fatiguée, peut-être plus en raison de la morsure vampirique que de la chute qui l’avait précédée ou des ébats qui s’en étaient suivis. Elle n’en demeurait pas moins comblée et impatiente de repartir en mission aux côtés du Vampire pour découvrir ce qui se tramait au creux de la montagne.

Le couple passa sous silence la façon dont ils s’y étaient pris pour survivre à cette nuit glaciale. Ce moment n’appartenait qu’à eux et, aussi étrange que cela puisse paraître, il demeurerait l’un de leurs plus beaux souvenirs ensemble.


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