Une succession d’éclats de lames s’entrechoquant vint troubler la matinée encore jeune et fit s’envoler une nuée de Draflayels ayant trouvé refuge dans le feuillage fleuri du Cerisier Centenaire. Au pied de ce dernier, deux combattants se faisaient face en tenant chacun entre leurs mains une longue épée au fer tranchant. Haletant et transpirant, le premier, un jeune garçon loup-garou à peine sorti de l’adolescence, scrutait son adversaire. Il cherchait dans sa posture une faille qui lui permettrait de porter un coup pertinent. Hélas, il n’en vit aucune et la panique commença à l’envahir d’autant plus que la guerrière face à lui paraissait fermement décidée à se montrer sans pitié. Les yeux orangés typiques de la race des loup-garous vinrent alors se fixer dans ceux améthyste de la jeune femme. Le visage de cette dernière ne reflétait qu’une froide concentration couplé à une joie presque malsaine, à en juger par le rictus sardonique étirant ses lèvres pleines.
Elle allait le démolir et s’en donner à cœur joie.
Le répit qu’elle accorda à son opposant mal assuré fut de courte durée. Soudainement, la sombre épéiste s’élança vers son adversaire. Dans un réflexe de survie, ce dernier leva son épée pour contrer celle de la femme et se prépara mentalement au choc. Or, fendant l’air, la lame redoutable vint s’abattre à la base de celle de son adversaire avec une force à peine maîtrisée et la fit brusquement ployer. Le poignet tordu, la jeune recrue lupine poussa un cri en lâchant son arme ce qui signa sa défaite. Malgré la douleur qui l’élançait, il retint son souffle en sentant la pointe aiguisée d’une épée s’appuyer contre sa carotide. Le jeune homme grimaçant s’immobilisa en tenant sa main blessée.
« Ca ira, Moody, intervint une voix calme mais ferme. »
La dénommée Moody redressa alors son épée sans nullement cacher sa satisfaction. Le loup-garou au poignet meurtri s’en alla aussitôt rejoindre les autres recrues sans demander son reste. Le coup d’œil que la femme lança aux soldats réunis sur la place pour l’entraînement matinal doubla sa bonne humeur. La plupart affichait un air penaud quand ce n’était pas la rancune qui assombrissait leurs traits. D’autres fuyaient tout bonnement son regard. Le sourire de la jeune fille valait à cet instant toutes les fanfaronnades du monde tandis qu’elle faisait tournoyer sa longue épée dans les airs avec adresse.
« Hé bien, aucun autre volontaire ? s’enquit-elle à la cantonade d’un ton faussement innocent. Ce n’est pas ainsi que vous progresserez.»
Seul le silence, troublé par quelques grognements, lui répondit. Un profond soupir attira l’attention de Moody. Elle tourna la tête vers le chef de la Garde Obsidienne avec qui elle supervisait l’entraînement quotidien des jeunes recrues. Valkyon, les bras croisés, secouait doucement la tête d’un air désabusé.
Moody haussa un fin sourcil argenté à son attention, même si elle se doutait un peu de ce que l’imposant guerrier aux cheveux blancs et au regard mordoré allait lui reprocher.
« Moins de vantardise et plus d’attention et de pédagogie serait l’idéal pour ces jeunes recrues. J’espérais que tu l’aurais compris, déclara son supérieur.
-Remettrais-tu en question mes méthodes d’enseignement ? fit mine de s’offusquer l’épéiste sans se départir de son sourire taquin, nullement impressionnée par la contrariété visible chez l’Obsidien aux cheveux blancs.
-Quel enseignement ? Tu t’amuses à les terrifier, répliqua ce dernier d’un ton dur.
-Allons donc…
-Je ne plaisante pas, Moody. Nous sommes tous conscients de tes talents de bretteuse mais j’avais espéré que tu t’en serves pour permettre aux recrues de s’améliorer en leurs prodiguant des conseils. Au lieu de cela, tu les humilies. Cela fait une semaine et le nombre de personnes assistant à l’entraînement matinal ne fait que décroître. Je m’excuse de te le dire ainsi, mais j’ai la sensation que tu ne te sers d’eux que comme faire-valoir ou pour assouvir un je ne sais quelconque besoin de domination. »
La jeune femme ne rétorqua pas, comme douchée par les propos de l’Obsidien. Malgré un visage qu’elle s’efforçait de garder lisse, le faëlien pouvait parfaitement deviner les émotions qui agitaient la jeune femme. Sa mâchoire crispée, le pli entre ses sourcils et ses lèvres pincées…oui, Moody était furieuse et Valkyon aurait presque pu ressentir de la culpabilité à l’idée de l’avoir blessée s’il n’était pas certain d’avoir raison de la réprimander.
Moody avait intégré la Garde d’Eel il y avait à peine quelques mois. Découverte par un Familier sur une île en ruines et abandonnée aux larges des côtes d’Eel, la jeune femme avait été ramenée au quartier général dans un état précaire, à peine consciente de ce qu’il lui arrivait. Rapidement prise en charge par l’équipe soignante de la Garde, l’inconnue à la chevelure cendrée et aux yeux améthyste avait très vite fait preuve d’un tempérament farouche qui, beaucoup le pensait, ne visait qu’à dissimuler sa vulnérabilité causée par une perte de mémoire encore non guérie à ce jour. La seule chose dont elle disait se rappeler était son prénom. Un prénom qui lui allait d’ailleurs très bien tant son visage était expressif.
Une fois sur pied, la mystérieuse jeune femme aux origines brumeuses avait très vite démontré de multiples talents, lesquels, alliés à son caractère fort et volontaire, l’avaient rapidement hissé au rang des meilleures recrues parmi les gardiens, notamment ceux de l’Ombre.
Sur l’insistance de certains hauts gradés, Moody avait rapidement gravi des échelons et sa place actuelle au sein de l’organisation n’était pas des moins enviables, loin de là. Cela suscitait de jalousie et de la méfiance chez beaucoup, et même si Valkyon faisait partie de ceux qui appréciaient la jeune fille, il pouvait comprendre les griefs que certains avaient à son encontre.
Oui, Moody était une Ombre talentueuse et une remarquable épéiste. Oui, elle était un atout non négligeable au sein de la Garde, et sa beauté lunaire ne faisait qu’ajouter à sa prestance et son charisme naturel. Le problème était qu’elle en avait parfaitement conscience. De ce fait, son orgueil la poussait régulièrement à défier l’autorité et à n’en faire qu’à sa tête. Autant dire que Miiko, la dirigeante de la Garde d’Eel, ne la portait pas dans son cœur.
Derrière ces défauts se dissimulait pourtant un cœur d’or qu’elle ne montrait, hélas, qu’en de rares occasions. A l’heure actuelle, son besoin de séduire et de contrôler exaspérait Valkyon qui ne désespérait pourtant pas de lui faire entendre raison. Malgré ses tares, Moody n’en demeurait pas moins une femme intelligente même s’il lui fallait souvent du recul.
« C’est donc ça. Je vois. J’aurais peut-être dû l’expliquer dès le départ alors. »
La jeune femme avait parlé avec froideur. Sans se soucier de la réponse du Capitaine de l’Obsidienne, elle s’avança vers le petit groupe de recrues fourbues qui avaient suivi l’échange avec un mélange de curiosité et de crainte. Beaucoup craignait effectivement la soldate de l’Ombre et beaucoup espérait qu’on la remette un peu à sa place même si la plupart se gardait bien de le montrer.
Moody s’immobilisa face à l’attroupement, et, d’un geste sec, planta la lame de son épée dans le sol herbeux dans un chuintement métallique.
« Que les choses soient bien claires : mon but n’est pas de vous humilier comme certains ont l’air de le croire. J’avais un but spécifique en acceptant de me charger des entraînements à l’épée : vous montrer ce qu’est un épéiste et à quoi vous vous exposez. Mon objectif n’était pas de vous décourager, mais bien de vous donner l’envie de vous améliorer car à l’extérieur de ces murs, en mission, vous n’aurez pas affaire à des amateurs et je tenais à ce que vous mesuriez les conséquences que peuvent avoir chacune de vos erreurs. Apparemment, la leçon n’a que trop duré… »
En disant cela, Moody lança à Valkyon un regard noir qu’il accueillit d’un air imperturbable.
« Mais elle était nécessaire, à mon sens. La Garde d’Eel se doit d’avoir les meilleurs gardiens possibles, pour protéger Eldarya. Je considère qu’il est de mon devoir de former les plus volontaires et les plus talentueux d’entre vous. Si vous n’êtes pas d’accord avec ma façon de faire ou si vous ne vous sentez pas l’âme d’un véritable gardien, vous pouvez dès à présent vous en aller, je ne vous retiendrai pas. »
Sa tirade fut accueillie par un grand silence. Les apprentis la fixaient d’un air abasourdi ou s’échangeaient des œillades, mais aucun ne se leva ou n’osa le faire. Valkyon se retint de se passer une main sur le visage : c’était certain, la modestie ne faisait certainement pas partie de des qualités de la jeune femme. Le tact, encore moins.
De lents applaudissements empreints de sarcasme retentirent soudain, surprenant l’ensemble des combattants réunis sous le Cerisier qui se tournèrent de concert.
« En voilà un discours qui mériterait d’être conservé dans les annales… fit une voix grave et indubitablement masculine avec ironie. »
Grand et entièrement vêtu de noir s’avançait un homme au rictus goguenard, ses yeux bleus de glace fixés sur Moody. Ses cheveux courts étaient blancs comme neige, plaqués en arrière sur son crâne et contrastaient avec sa peau basanée sous laquelle roulaient des muscles puissants. Bien que vêtu sobrement, l’énergie et le magnétisme qu’il dégageait attirait irrémédiablement l’attention sur lui. Son visage barré d’une longue cicatrice blanchâtre n’atténuait en rien sa beauté et son corps bien bâti ne venaient qu’ajouter à son charisme.
« Lance, mon frère, l’accueillit Valkyon, un léger sourire illuminant son visage d’ordinaire austère. »
Les deux hommes se firent une rapide accolade, avant que le dénommé Lance ne reviennent poser ses yeux sur les autres combattants qui le saluèrent avec respect et admiration.
Le visage de Moody s’assombrit cependant. Lance, évidemment. Le bras droit de Miiko, membre de la Garde Etincelante aux multiples prouesses et frère aîné du chef de l’Obsidienne. Il ne pouvait pas se passer un jour sans qu’il ne se trouve sur son chemin, celui-là. La jeune femme ne prit pas la peine de retenir une grimace de mépris qui, l’espérait-elle, dissimulerait l’étrange émoi que produisait chez elle l’intensité des orbes bleues dardées sur elle.
« J’ai cru comprendre que la petite protégée de Leiftan n’en faisait encore une fois qu’à sa tête ? Susurra l’Etincelant, sans se départir de son sourire teinté d’ironie.
- De un, je n’en fais pas qu’à ma tête, j’enseigne. De deux, je ne suis pas la protégée de Leiftan et vous le savez très bien. De trois, vous perturbez le cours alors cassez-vous, siffla Moody avec insolence. »
Les jeunes recrues retinrent leur souffle, choquées par le ton employé par la jeune Ombre pour répondre à son supérieur. Le fait qu’elle n’ait pas sa langue dans sa poche n’était un secret pour personne mais elle était déjà en train de dépasser les bornes.
Moody s’en fichait complètement. Dès le premier jour, Lance avait eu le don de la mettre hors d’elle. Il y avait quelque chose chez lui qui la révulsait et l’attirait en même temps, sans qu’elle ne parvienne à définir quoi. Du côté de l’homme, le ressenti paraissait similaire mais loin de chercher à l’éviter comme la jeune femme s’évertuait à le faire, il se plaisait à la provoquer continuellement jusqu’à la faire sortir de ses gonds. Le pire était qu’il était remarquablement doué à ce petit jeu au point que, désormais, sa simple présence parvenait à irriter l’Ombre aux yeux violets.
Un éclat de mauvais augure traversa brièvement les iris céruléens de l’Etincelant, si vite que Moody crut l’avoir imaginé. Avec un sourire méprisant, il souffla :
« Tu as raison, je me suis trompé sur un point : tu es plutôt la protégée de Nevra. »
Il reprit, sans laisser à Moody la possibilité de s’offusquer face à l’insinuation à peine voilée.
« Donc, si j’ai bien compris, tu cherches à leur montrer ce qu’est un véritable épéiste. Ma chère Moody, je doute que tu sois la meilleure référence.
-La mauvaise foi ne vous va pas au teint, Lance, rétorqua la jeune femme, les poings et la mâchoire crispés.
-Là encore tu as raison, c’est pourquoi je préfère toujours dire la vérité, sourit son supérieur. »
Puis, d’un geste, il lui désigna le centre de la place :
« Puisque tu es si sûre de toi, tu ne vois pas d’inconvénient à m’assister pour une démonstration disons plus réaliste ?
-Lance…commença Valkyon qui jusque-là n’avait pas osé intervenir pour reprendre son frère.
-N’en t’en fais pas Valkyon. Cette leçon ne sera pas inutile, assura son aîné.
-N’avez-vous rien de mieux à faire ? gronda Moody les joues empourprées par la colère. »
Lance sourit de plus belle.
« Bien sûr que si, mais instruire nos recrues me semble tout aussi important que mes tâches habituelles. Alors ? »
Les recrues qui avaient silencieusement assisté à la joute verbale semblaient suspendus aux lèvres de la jeune femme. En tant qu’ancien chef de la Garde Obsidienne, Lance était décrit comme étant un excellent maître d’armes, au même titre que Valkyon. Hélas, ses fonctions actuelles ne lui permettaient plus de partir en mission et de combattre comme jadis. De ce fait, peu de gens pouvaient se targuer de l’avoir déjà vu se battre même si nul ne doutait de sa dangerosité. C’était donc un véritable honneur qui leur été fait, en témoignaient leurs murmures et exclamations excitées.
Se sachant acculée et ne désirant de toute façon pas passer à côté de l’occasion de coller une bonne raclée à cet homme qu’elle détestait, Moody s’empara de son épée toujours enfoncée dans le sol et la dégagea d’un coup sec.
Le sourire de Lance s’élargit.
Valkyon soupira de nouveau, guère enchanté par l’idée d’un combat entre ces deux-là. Cependant, il connaissait son frère : une fois qu’il s’était mis en tête une chose, il était difficile de lui faire changer d’avis. En d’autres circonstances, il se serait permis de lui toucher deux ou trois mots, mais pas ici avec une telle audience. Il se résigna donc à le laisser faire même s’il se doutait qu’un combat entre Lance et Moody risquaient de causer des étincelles. Surtout pour Moody, si prompte à s’emporter contrairement à Lance qui savait parfaitement se maîtriser quand il le voulait.
L’Ombre et l’Etincelant vinrent se positionner au centre du cercle formé par les jeunes recrues avides. Une épée fut lancée à Lance qui la réceptionna avec habilité tandis que Moody resserrait la queue de cheval haute retenant sa longue chevelure cendrée. Sans un mot, la jeune femme se mit en garde, dardant sur son ennemi un regard acéré qui ne lui valut qu’un rictus amusé. Puis, sans prévenir, elle attaqua.
Le coup était précis et parfaitement exécuté. Il aurait dû atteindre l’Etincelant au plexus mais d’un geste si vif qu’il en parut flou, ce dernier dévia la lame de la sienne ce qui obligea Moody à se décaler sur le côté. Surprise, la jeune femme flancha durant une fraction de seconde.
« Leçon numéro une : dans un combat quel qu’il soit, l’équilibre est primordial. »
Profitant de l’occasion, Lance s’engouffra dans la brèche et contre-attaqua. Son épée vint heurter celle de Moody alors qu’il allait l’atteindre à l’épaule. Hélas, la position fragilisée de cette dernière ne lui fut d’aucune aide pour le repousser. D’autant plus qu’il usait d’une force irrésistible pour la faire ployer. Un coup brutal porté à l’arrière de l’articulation de sa jambe lui fit perdre l’équilibre et son genou heurta le sol.
« Retenez bien cela, c’est crucial. Si vous tombez, vous mourez. »
Comme pour illustrer ses propos, le guerrier apposa le tranchant de sa lame contre la gorge de son adversaire.
Moody releva des prunelles améthystes empli de rage vers celles de Lance. Ce qu’elle y vit la troubla bien plus qu’elle ne l’aurait voulu. Un mélange de pure satisfaction et de désir faisaient luire le regard de glace de l’Etincelant. A n’en point douter, voir la jeune fille agenouillée devant lui semblait beaucoup lui plaire. Rougissante, Moody se dégagea et se releva prestement, le souffle court. Elle lança un rapide coup d’œil du côté des recrues. Des murmures plein d’admiration et de respect agitaient leurs rangs, ainsi que quelques rires à peine contenus.
La jeune Ombre serra les dents. La Lune lui soit témoin, elle enverrait ce sale cafard brûler en Enfer ! Elle ne le laisserait plus la ridiculiser ainsi devant ses élèves.
Moody s’écarta de Lance et raffermit sa prise sur le pommeau de son épée. Cette fois-ci, elle se méfierait davantage, d’autant plus que le sourire tranquille de son ennemi ne lui disait rien qui vaille. Les deux combattants se tournèrent autour un moment, chacun évaluant les défenses et les potentielles faiblesses de l’autre. Puis ils attaquèrent.
Le fer croisa de nouveau le fer. D’une bourrade, Moody parvint à faire reculer son adversaire et sans lui laisser de répit, elle enchaîna coups et parades, obligeant Lance à n’adopter que des postures défensives. Et il se défendait bien, le bougre. La jeune femme ne parvenait pas à percer sa défense. Chaque fois qu’elle entrevoyait une faille, une lame venait bloquer son attaque. Le pire était qu’il ne semblait pas se fatiguer alors que la bretteuse commençait à montrer des signes de lassitude.
« Deuxième leçon… sussurra Lance tandis que le coin de ses lèvres s’ourlait en un rictus sardonique. »
D’un seul coup, il reprit le dessus. Ce fut au tour de Moody de devoir se protéger des attaques de son opposant et chaque impact fit trembler ses os. Hargneuse, la jeune épéiste lutta de son mieux, et un regain d’énergie lui permis même de repousser l’homme durant quelques secondes avant d’être une nouvelle fois submergée. L’épée de l’ancien Obsidien s’abattit soudainement vers le visage de la guerrière. Son fer vint contrer le coup fatal in extremis. L’Etincelant appuya alors de tout son poids sur les deux lames. Moody résista autant qu’elle put, mais la puissance naturelle de l’homme aux yeux de glace surpassait largement la sienne. Ses genoux tremblaient et, n’y tenant plus, heurtèrent le sol dans un bruit sourd.
« … Toujours mener la danse. »
La dernière phrase, suintante de sarcasme à son encontre, fit définitivement sortir Moody de ses gonds. L’irritation qui la rongeait depuis l’apparition de Lance se mua en colère, puis en rage. Au fond d’elle, elle entendit comme un sombre grondement, un murmure qui l’appelait, l’enjoignant à laisser libre court à sa haine. Dans un cri de rage, la jeune femme invoqua ses pouvoirs lunaires. Un rayon d’énergie argentée jaillit de sa paume tendue, bien moins puissante qu’elle ne l’aurait espéré toutefois à cause de la lumière diurne, pour fuser vers l’Etincelant. Ce ne fut que grâce à ses réflexes prodigieux que ce dernier parvint à éviter l’attaque, la laissant terminer sa course contre les remparts protégeant la Cité d’Eel. Profitant de l’effet de surprise produite par l’utilisation de ses pouvoirs, Moody se rua sur Lance l’arme au poing.
« Troisième leçon… »
Bien qu’initialement déstabilisé par les pouvoirs de la jeune femme, Lance se reprit bien vite et s’élança vers elle.
Un éclat métallique. Une épée vola dans les airs avant de choir lourdement au sol dans un fracas assourdissant.
Les recrues, bouche bée, contemplèrent la jeune prodige de l’Ombre immobilisée par la poigne solide de l’Etincelant victorieux. Le dos collé contre son torse puissant, elle se débattait, cherchant à se défaire de sa main libre du bras qui comprimait sa gorge et l’étranglait.
Doucement, presque tendrement, Lance glissa sa bouche contre l’oreille de Moody et déclara, autant pour elle que pour leur public :
« Ne jamais attaquer sous l’effet de la colère. »
Il ajouta, mais suffisamment bas pour que seule l’Ombre l’entende :
« Même si ça te rend terriblement bandante… »
La jeune fille piqua un fard et cessa de se débattre, un instant interloquée. Avait-elle bien entendu ? Son corps réagissait d’une étrange manière à ces paroles et elle eut soudainement conscience de leur troublante promiscuité. Elle eut le sentiment de se liquéfier sur place et, haletante, laissa échapper un gémissement. L’odeur de l’homme qui continuait à la maintenir solidement contre lui n’y était pas non plus pour rien. Chaude, mélange de cuir et de bois brûlé, entêtante…elle n’appartenait qu’à lui. Moody réalisa alors que son parfum agissait sur elle comme un aphrodisiaque. Elle était excitée. Et malgré sa haine, malgré sa colère, malgré sa volonté même, elle sentit son entre-jambe s’humidifier.
Non…impossible !
D’un mouvement brusque, elle se dégagea de l’étreinte de Lance. Moody le toisa d’un air torve, furieuse et humiliée. Sa rage redoubla d’autant plus devant son sourire féroce et son regard ardent, comme s’il avait parfaitement deviné son trouble et l’effet qu’il avait sur elle. Pendant un instant, ce fut comme s’ils étaient seuls au monde, à deux doigts de sombrer dans les abysses. Ce fut un toussotement, suivi d’un petit applaudissement bien vite repris par d’autres qui les ramena à l’instant présent. L’Oracle seule sait ce qu’il se serait produit sans cela.
Les joues toujours aussi rouges, Moody dévisagea les apprentis qui applaudissaient le guerrier Etincelant. Les sourires au coin et les regards goguenards ne lui échappèrent pas.
Sans un mot, son orgueil meurtri, la jeune Ombre se détourna et quitta la place du Cerisier Centenaire sans se retourner.
*
* *
L’entraînement était terminé. Les recrues quittaient les lieux, encore surexcitées par le combat. Nul doute que les évènements de la matinée feraient bientôt le tour du Quartier Général.
Lance sourit tel un maülyx venant de dévorer une musarose. Voir l’insolente Moody rabaissée de la sorte et se savoir responsable de ce déclin l’avaient exalté bien plus que de raison. Hélas, en dépit de cela, elle s’obstinait toujours à dissimuler sa véritable nature. Cette nature qu’il ressentait de plus en plus fortement au fil des jours. Le guerrier ne désespérait pas, cependant. Tôt ou tard, il l’acculerait au pied du mur et la jeune femme n’aurait pas d’autre choix que de faire face à ce qu’elle était.
« Lance, qu’est-ce qui t’a pris ? »
Lance ferma les yeux un instant pour se recomposer une figure de façade, celle qu’il arborait quotidiennement depuis déjà un moment. Il se tourna vers Valkyon qui avait assisté aux évènements du début jusqu’à la fin. Il semblait furieux lui aussi, presque tout autant que la belle Moody.
« De quoi parles-tu, petit frère ?
-Ne fais pas l’innocent. Pourquoi humilier Moody devant presque la moitié de la Garde ?
-Tu exagères. Il n’y avait là que des apprentis. Mais il est vrai que j’aurais dû la défier devant un plus large public, s’amusa l’Etincelant sans absolument aucun regret. »
Valkyon ferma les yeux quelques secondes, de la même manière que son frère un peu plus tôt. Il soupira et darda ses yeux d’or en fusion dans ceux, glacés, de son aîné.
« Il s’agissait encore d’une de tes tactiques pour révéler sa soit disant « véritable puissance » ?
-Ne joue pas les sceptiques avec moi, mon frère, gronda Lance. Tu les sens aussi bien que moi : cette essence et cette énergie propres aux dragons. Nous ne pouvons pas nous leurrer. »
Valkyon crispa la mâchoire et s’assura d’un rapide coup d’œil que nul n’était en mesure de les entendre.
« En supposant qu’elle en soit vraiment un…qu’espères-tu exactement d’elle, Lance ? »
De nouveau, ce sourire dur et sournois. Bien qu’étant son frère, Valkyon avait parfois beaucoup de mal à comprendre son aîné. Mais à ce moment précis, les motivations de Lance lui parurent limpides et ses soupçons furent confirmés.
Dans le fond, c’était une évidence. Dès le premier jour, Lance avait éprouvé pour Moody une fascination quasi malsaine. Le temps et le comportement de la sulfureuse jeune femme n’avait pas arrangé les choses, bien au contraire.
Lance voulait Moody pour lui seul, corps et âme.
Et pour Valkyon qui voyait chaque jour son frère sombrer un peu plus sans rien pouvoir faire, cette attirance n’avait rien de bon.
« Disons un remerciement à la hauteur de mes attentes, répondit l’Etincelant en glissant sur ses lèvres un bout de langue affamée. »
*
* *
Aveuglée par la colère et la honte, Moody se dirigeait vers l’intérieur du Quartier Général sans vraiment faire attention où elle allait et à qui pouvait se trouver devant elle. Ainsi bouscula-t-elle par mégarde plusieurs badauds malchanceux sans prendre la peine de s’excuser ou de s’arrêter. Cela lui valut des insultes en plus de cris outrés.
Le sentiment d’humiliation qu’elle ressentait était comme une bile acide qui lui rongeait les entrailles. La jeune femme n’arrivait pas à croire que Lance ait pu la battre aussi facilement. C’était comme si elle n’avait été qu’une débutante ! D’ordinaire, son talent lui permettait de tenir tête à n’importe qui, mais à ce moment-là, face à Lance…non, il ne lui avait laissé aucune chance. Elle avait fait l’erreur de le sous-estimer tandis que lui, conscient de sa dangerosité, lui avait interdit toute possibilité de prendre le dessus. Elle qui aimait tant dominer s’était retrouvée plus bas que terre et ce devant l’avenir de la Garde.
Mais le pire était que pendant l’espace d’un instant…Moody avait aimé ça. Et lorsque Lance lui avait murmuré cette phrase obscène à l’oreille…par la Lune, elle en mouillait encore. Qu’est-ce qui n’allait pas chez elle ?
Elle n’était pas censée ressentir cela. Pas pour ce type immonde, pas alors qu’elle avait déjà l’homme parfait pour assouvir tous ses désirs. Alors pourquoi se sentait-elle si attirée par Lance ?
Moody s’immobilisa alors qu’elle venait de pénétrer dans la salle des Portes. Elle passa une main fine sur ses lèvres pincées, se remémorant le trouble qui l’avait envahi lorsqu’elle avait plongé dans les orbes bleues de son ennemi. Ce qu’elle y avait lu l’avait effrayée mais en même temps…terriblement excitée. Passion ardente, violence, promesses...Moody avait senti que s’il n’y avait pas eu tant de témoins, il l’aurait prise avec une intensité telle qu’elle n’aurait jamais pu l’oublier. Il l’aurait malmenée et dominée comme aucun homme n’avait jamais pu le faire et elle en aurait certainement redemandé.
Le souffle court, la jeune femme ferma les yeux. Non. Elle résisterait, comme elle l’avait toujours fait. Jamais elle ne s’offrirait à lui. Elle continuerait de le dominer ainsi, en lui restant inaccessible. Quoique l’Etincelant fasse pour la pousser à bout et l’enjoindre à se donner à lui, jamais elle ne cèderait.
Forte de cette résolution, la gardienne de l’Ombre se redressa, une lueur déterminée dans ses yeux violets. Elle s’apprêtait à se diriger vers les douches quand, soudainement, un bras s’enroula autour de sa taille fine et la fit tournoyer. Moody se retrouva enlacée contre un torse musclé mais à l’odeur si familière :
« Nevra ! s’exclama-t-elle tandis qu’un sourire ourlait ses lèvres charnues.
-Ma Dame, répondit le dénommé Nevra avant de lui voler un baiser. »
Grand, mince et musclé, Nevra arborait une tignasse de cheveux bruns en bataille dont une mèche plus longue venait recouvrir le cache-œil foncé qui dissimulait son œil gauche. Son beau visage était pâle, cet effet accentué par les couleurs sombres de sa tenue qui allait de l’obscur violet de son kimono à la noirceur de son justaucorps, de son pantalon et de ses bottes de cuir montantes à la semelle épaisse.
Moody le trouvait à se damner. Et cet homme, ce Vampire séduisant qui lui était entièrement dévoué, n’était rien d’autre que le Capitaine de la Garde de l’Ombre.
Ils s’embrassèrent passionnément. Déjà ivre de lui et désireuse d’oublier son horrible matinée, la jeune femme glissa ses mains sous le kimono lâche de son amant. Ses doigts cherchèrent les bords de son pantalon au tissu élastique quand Nevra se détacha d’elle, l’empêchant d’aller plus loin. Moody grogna de frustration sous les rires du jeune homme.
« Hola, n’essaie pas de me mordre, cela pourrait mal finir…
-C’est un risque que je suis prête à prendre, rétorqua Moody en revenant se coller contre le corps de son amant, à la recherche de ses lèvres. »
Il céda, tant il lui était difficile de résister à cette sublime créature aux cheveux d’argent et aux yeux mauves capables d’arracher le cœur d’un homme. Sa poitrine généreuse se pressait contre lui, ses tétons pointant déjà, avides de lui. Par l’Oracle, qu’elle était belle.
« Mood, soupira le Vampire, luttant pour rester professionnel d’autant plus qu’ils se trouvaient dans un lieu de passage. Tu avais l’air furieuse…il s’est passé quelque chose ? »
Moody grogna, refusant d’interrompre ses baisers. Sa bouche glissa dans le cou du Capitaine de l’Ombre tandis que ses mains se glissaient sur sa peau pâle et imberbe. Inconsciemment, les deux aimants s’étaient reculés contre une des imposantes colonnes soutenant la voûte de la salle des Portes se dissimulant ainsi à la vue de certains regards.
« Mood, appela de nouveau Nevra. »
Un grondement s’échappa de sa gorge lorsque la jeune femme effleura de sa main la bosse qui avait commencé à se former derrière le tissu de son pantalon. Elle laissa échapper un petit rire, avant de lui mordiller l’oreille. Puis, un peu à contrecœur, elle avoua :
« C’est Lance, encore. Il m’a délibérément humiliée lors de l’entraînement de ce matin et ce devant une petite trentaine de jeunes recrues. »
Nevra se tendit à ses mots, négligeant un instant les caresses aguichantes de son amante.
« Lance ? Veux-tu que j’aille lui toucher deux mots ? »
Moody gloussa, attendrie.
« C’est inutile. C’est juste un gros con, je m’y suis habituée depuis le temps…t’avoir à mes côtés suffit amplement à me remonter le moral.
-Il n’empêche que je n’aime pas la façon dont il se comporte avec toi. Cela frôle le harcèlement. Je pourrais en parler à Miiko et…
-Miiko est folle amoureuse de Lance, contra Moody, le visage sombre. Et elle ne m’aime pas. Il n’y a rien à espérer d’elle.
-Tu exagères. Elle sait parfaitement agir de façon objective. Si cela n’avait pas été le cas, tu n’en serais pas là où tu es aujourd’hui.
-Ha oui ? Mais n’y a-t-il pas fallu que Leiftan et toi usiez de toutes vos ressources pour lui faire entendre raison à ce sujet ? S’il n’avait tenu qu’à elle, je serais en train de récurer les douches et les toilettes du QG à l’heure actuelle.
-Mood…
-Laisse tomber Nevra. Je n’ai pas besoin que tu me protèges, je sais très bien le faire toute seule. Ce type n’est qu’un gros frustré qui passe sa jalousie sur moi car il ne possédait pas un quart de mon talent à mon âge. »
A ces mots, Nevra éclata de rire.
« Ca va, ton ego ne te gêne pas ? Enflé comme il est…
-Pas autant que ta queue, sussurra-t-elle à son oreille, en glissant sa main dans le pantalon du chef de l’Ombre. »
Soufflé net, celui-ci ne put retenir un grognement de plaisir en sentant la douce poigne de la jeune femme agripper son membre tendu. Elle fit lentement coulisser sa paume le long de sa verge avant de l’enserrer pour commencer à le branler doucement. Son regard vrillé dans celui du Vampire, elle observait ses expressions, notant le désir qui assombrissait peu à peu son regard gris. Pourtant, il refusait de s’abandonner totalement à elle. Sa main s’enroula autour du poignet de la jeune épéiste pour l’arrêter.
« Pas que l’envie de le faire en public ne me dérange ma douce, souffla le jeune homme haletant, mais évitons de prendre trop de risques, tu ne crois pas ? »
Moody fit la moue mais dut bien se résigner. Il ne manquerait plus qu’elle écope d’une mise à pied pour atteintes aux mœurs et exhibition dans un lieu public.
« Très bien. Alors que dirais-tu de prendre ta douche avec moi ? suggéra-t-elle d’une voix de velours. »
Le visage de Nevra s’éclaira d’un sourire lubrique.
« Comme si je pouvais refuser ça…
-Je vois qu’on s’amuse bien. »
La voix glaçante de Lance retentit à quelques mètres du couple, le faisant sursauter. L’épaule nonchalamment appuyée contre un mur, l’Etincelant aux cheveux blancs fixait Nevra et Moody d’un air sombre, toute trace de malice évaporée de son visage. Aucun des deux ne l’avait entendu arriver. La jeune femme retira prestement sa main du pantalon de Nevra, mais elle sut en dévisageant son ennemi qu’il avait parfaitement compris ce qu’ils étaient en train de faire. Moody s’efforça d’adopter une expression lisse malgré sa gêne. Nevra, lui, s’était redressé comme un adolescent pris en faute. Cependant, il se recomposa rapidement une expression neutre.
« Lance, fit-il en inclinant brièvement la tête pour saluer son supérieur comme si de rien était.
-Nevra, répondit l’imposant guerrier sans toutefois quitter Moody des yeux. Il est surprenant de trouver un représentant de l’ordre et de la sécurité s’adonner à ce genre d’activité dans un lieu public. Mais aux vues de votre…réputation à tous les deux, je ne devrais pas m’en étonner en fin de compte. »
Moody sentit Nevra se crisper à ses côtés. Elle-même devait se retenir pour ne pas lui cracher à la figure face à l’insulte.
« Tu as raison Lance, je me suis un peu égaré. Cela ne se reproduira plus, répondit Nevra sur un ton toutefois parfaitement maîtrisé. »
Les deux hommes ne s’appréciaient guère et Moody n’était jamais parvenue à comprendre pour quelle raison. Lorsqu’elle interrogeait son amant, celui-ci lui répondait qu’il en avait toujours été ainsi et que lui-même n’expliquait pas l’antipathie qu’il ressentait pour l’Etincelant. Peu convaincue, la jeune femme suspectait une raison plus profonde à leur discorde, sans trop savoir quoi.
« Il y a plutôt intérêt. Réfrénez vos ardeurs en public, ça m’évitera de tomber sur ce genre de vision d’horreur.
-Regardez qui parle, railla Moody sans pouvoir cette fois-ci s’en empêcher. »
Elle poursuivit, toute sa rancœur refaisant surface :
« Serait-ce la jalousie qui vous rend si amer, Lance ? »
Nevra la fixa, stupéfait. Puis son regard se durcit et il braqua sur son supérieur un regard venimeux. Il passa un bras autour des épaules de sa compagne comme pour défier l’ancien Obsidien de la lui prendre.
Lance ne répondit pas tout de suite à l’attaque de Moody. Il la contempla, notant les traces de leur récent affrontement sur ses vêtements sales, sa queue de cheval à moitié défaite et ses traits tirés malgré ses yeux mauves brillants et perçants. Puis soudain, il sourit et la jeune Ombre se tint instantanément sur ses gardes.
« Je dirais plutôt la frustration d’un combat au corps à corps trop vite terminé… »
Le ton employé ne laissait pas de place au doute quand à ce qu’il sous-entendait. Serrant les poings, Nevra émit un grondement avant de faire mine de s’élancer vers le frère de Valkyon.
« Espèce de…
-Nevra, non ! s’écria son amante en le retenant. »
Elle se morigéna intérieurement, ennuyée d’avoir ainsi provoqué Lance devant Nevra. Elle aurait dû se douter que le Vampire, très protecteur, prendrait sa défense.
« Nous y allons, annonça abruptement la jeune fille en entraînant derrière elle son amant récalcitrant. »
Une fois encore, Lance ne chercha pas à la retenir. Aucune sanction ne fut posée, même. Tant mieux. Il fallait absolument qu’elle fuit sa présence. Une bonne douche avec Nevra lui ferait oublier l’espace de quelques instants l’existence de son ennemi. Sentant le regard de ce dernier lui brûler le dos, Moody se mordit la lèvre. Un bref coup d’œil du côté de Nevra la rassura : celui-ci était bien trop furieux pour noter à quel point elle était trempée.
*
* *
L’eau chaude coulait sans interruption sur le sol carrelé et immaculé. La vapeur produite avait peu à peu envahi la pièce, lui offrant une atmosphère moite et suffocante digne d’un sauna. Cependant, elle ne parvenait pas à dissimuler les deux silhouettes mouvantes et étroitement enlacées, pas plus que le bruit de l’eau ne parvenait à couvrir celui des corps qui se heurtaient et s’aimaient avec passion.
Nue et trempée par les éclaboussures, Moody rejeta en arrière sa chevelure gorgée d’eau sans cesser une seule seconde ses va-et-vient sur le corps étendu de son amant. Celui-ci, le regard voilé par le plaisir, contemplait le corps pâle de sa compagne onduler au-dessus de lui, son membre empalé en elle de toute sa longueur. Sa poitrine lourde aux tétons durs et dressés se balançait au rythme de ses déhanchés en une danse sensuelle et envoûtante. Le visage de la jeune femme le fit bander davantage, chose qu’il ne pensait plus possible : les yeux fermés et la bouche entrouverte, son expression ne reflétait qu’abandon et plaisir à l’instar de ses soupirs et gémissements. Le Vampire grogna de contentement en sentant les parois chaudes et humides de son sexe se contracter autour de sa queue tandis que leurs bassins claquaient l’un contre l’autre dans un bruit mouillé. Enivré par la mélodie de leur corps et par le plaisir irrésistible qui s’emparait de lui, Nevra commença à soulever ses hanches pour venir à la rencontre de celles de Moody. Ses mains, jusque-là coincées sous sa nuque, vinrent frôler la taille fine de la jeune femme, désireuses de l’enjoindre à accélérer la cadence.
Avec une force insoupçonnée, Moody s’empara des mains de son amant, entremêlant ses doigts aux siens avant de les plaquer de chaque côté de sa tête. Il était à sa merci, comme elle l’aimait. Ce n’était pas à lui d’imprimer la mesure. Pas plus qu’il n’avait le droit de choisir leurs positions. C’était Moody, toujours Moody, qui dominait leurs ébats. Elle était ainsi, belle, orgueilleuse et dominatrice. Une rose avec des épines qui ne se laissait cueillir qu’à son bon vouloir.
Sans le lâcher, Moody parsema de baisers et mordillements le visage ainsi que le cou du jeune homme avant de lui susurrer au creux de l’oreille :
« Qu’est-ce que tu veux Nevra ? Que veux-tu de moi ? »
Nevra grogna. La fille de la Lune connaissait parfaitement la réponse, mais elle adorait la lui faire répéter. Pour s’assurer de son entière soumission quoiqu’elle fasse.
Moody souleva les hanches, laissant le membre épais du Vampire glisser hors d’elle. Nevra gronda de nouveau, cette fois-ci de frustration. Un rire doux s’échappa de la gorge de sa partenaire qui entreprit de caresser de sa chatte trempée sa verge gorgée de désir. La sensation le rendit dingue. C’était à la fois trop et pas assez.
« Mood…gémit le Capitaine de l’Ombre d’une voix rendue rauque par le désir et le plaisir.
-Dis-le Nevra, je veux te l’entendre dire. »
Nouvelle caresse humide sur son membre. Nevra rendit les armes.
« Laisse-moi jouir en toi. »
Moody esquissa un sourire satisfait avant d’embrasser langoureusement son amant, sa langue venant caresser la sienne et la soumettre dans un ballet des plus érotiques. Finalement, elle le libéra et se détacha de lui avant de saisir sa hampe. Or, au lieu de s’empaler à nouveau sur elle, Moody y dirigea sa bouche, sous le regard confus mais néanmoins terriblement excité de son amant.
« Tu jouiras dans ma bouche. »
Bien sûr. Elle n’accédait jamais directement à ses demandes, y ajoutant sans cesse ses propres conditions. Et le pire était que le Vampire adorait ça.
Nevra se redressa sur les coudes pour admirer la sensuelle jeune femme le branler doucement. Sa main douce imprimait de délicieux va-et-vient le long de son sexe encore luisant de ses sécrétions. Ses lèvres pulpeuse ne tardèrent pas à se joindre aux caresses, déposant de multiples baisers sur la peau fine de ses bourses jusqu’à son gland. Parvenu devant, elle commença à le suçoter doucement, sa langue savourant son propre goût. Tout en exerçant ses mouvements coulissants, Moody plongea ses yeux dans ceux de Nevra qui retenait son souffle, au supplice. Il mourrait d’envie d’enfouir ses mains dans la chevelure argentée et d’enfoncer son membre dans sa gorge. Mais le Vampire connaissait les règles. Moody seule décidait quand il était temps pour lui de jouir et où.
Soudain, elle le prit en bouche. Nevra étouffa un cri qui se mua en gémissement en sentant son amante le pomper vigoureusement, sa langue à la fois douce et dure titillant son gland tandis que sa main entreprenait de le caresser à sa base en frôlant ses testicules pleines.
La jeune femme continuait de le regarder. Son regard était brûlant, presque provocateur. Elle détenait tout pouvoir sur lui, ses mains et sa bouche seules pouvant le libérer de sa délicieuse torture. Nevra, impuissant, n’avait le droit que de subir et par l’Oracle ! que c’était bon.
Elle le suça ainsi en alternant rapidité et lenteur pour le simple plaisir de voir Nevra perdre progressivement pied, des grognements de plaisir de plus en plus forts jaillissant de sa gorge.
« Mood…articula-t-il tandis qu’une sensation agréablement familière prenait naissance au creux de son aine. »
Comprenant qu’il était sur le point de jouir, Moody accéléra le mouvement, sa bouche allant et venant jusqu’à l’accueillir au fond de sa gorge alors qu’une de ses mains s’occupait de malaxer ses bourses et de les réchauffer au creux de sa paume.
La jeune femme sentit tout à coup des soubresauts parcourir la queue de son amant avant qu’un liquide chaud et épais n’envahisse sa bouche. Au même moment, Nevra laissa échapper un râle de plaisir et d’extase.
Un petit sourire satisfait étira les lèvres de la jeune femme alors qu’elle avalait la semence, laissant quelques gouttes perler aux coins.
Libérant son sexe, Moody se redressa au-dessus du Vampire pour contempler les dernières traces de son orgasme. Pantelant, son amant était à bout de souffle.
« Mood…tu es… commença-t-il. »
Elle ne lui laissa pas le temps de finir, fondant sur sa bouche en un baiser vorace auquel il répondit aussitôt. La main de la jeune fille se glissa sous la nuque du Capitaine de l’Ombre et l’obligea à se redresser. Elle se recula ensuite, rejeta sa longue chevelure en arrière et vint s’adosser contre une paroi tout en écartant ses jambes fuselées.
Nevra comprit de suite l’ordre tacite. Il rampa à quatre pattes jusqu’à elle tel un fauve affamé. A cet instant, les rôles étaient inversés et le jeune homme comptait bien en profiter.
Il s’installa entre les jambes de son amante, parcourant l’intérieur de ses cuisses de baisers semblables à de petites morsures. Ses lèvres suivirent le tracé d’unes des longues cicatrices blanchâtres qui ornaient la peau délicate jusqu’à son pubis imberbe. Moody retenait son souffle, les joues rosies par la chaleur et les multiples sensations que lui procurait son amant. Celui-ci la humait, laissant l’odeur chaude et sucrée de son excitation l’envahir. Puis il plongea sur elle, cherchant et trouvant le petit bouton de chair sensible qu’il entreprit de dévorer de la plus délicieuse des manières.
Moody poussa un gémissement en calant ses jambes sur les épaules et le dos du Vampire. D’une caresse du pied sur ses muscles contractés, elle l’invitait à continuer, savourant le contact de sa langue sur elle, en elle. Par la Lune, ce qu’il savait bien s’en servir !
Frissonnante, la jeune Ombre commença à se caresser, ses mains fines malaxant ses seins, titillant et pinçant tour à tour ses tétons dressés. Elle gémit à nouveau en sentant les doigts du Vampire s’introduire en elle, remplaçant sa langue qui était revenue s’occuper de son clitoris. Nevra commença ainsi à aller et venir en elle, cherchant ce point précis qui la ferait hurler.
Une des mains de Moody vint soudainement se glisser dans la chevelure ébouriffée du chef des Ombres, appuyant sur son crâne pour le contraindre à accélérer le mouvement. Il savourait sa mouille, ses coups de langue sur son bourgeon attisant une chaleur et des crépitements familiers au creux du ventre de la jeune femme. Son souffle de plus en plus éperdu et ses gémissements sonores indiquèrent à Nevra qu’elle se rapprochait du point de non-retour.
L’esprit embrumé par le plaisir, Moody laissait ses pensées lui échapper. Et juste avant que l’orgasme ne la foudroie, une autre image se superposa à celle de Nevra allongé entre ses jambes. La jeune femme écarquilla les yeux lorsqu’elle crut contempler deux orbes glacées brûlant de désir au lieu des tendres iris couleur ciel d’orage de son amant. Puis tout s’arrêta. Son corps parcouru de frissons d’extase s’arqua et sa bouche s’ouvrit en un cri de jouissance qui résonna dans toute la pièce.
Pantelante et alanguie, elle revint lentement à elle aux côtés de Nevra qui, désormais allongé contre son flanc, jouait avec une mèche de ses cheveux lunaires. Aucun mot ne fut prononcé. C’était d’ailleurs parfaitement inutile et n’aurait fait que briser la magie de cet instant.
Ils restèrent ainsi un moment, laissant leur respiration retrouver un rythme normal. Puis Moody se releva et, tournant le dos à Nevra, entreprit de passer son corps sous le jet brûlant toujours activé. Elle ne voulait pas qu’il voit à quel point elle était bouleversée. La vision que la jeune femme avait eue juste avant de jouir était des plus troublantes et la sensation d’apaisement qu’elle aurait dû avoir après leurs ébats avait laissé place à la colère et à la honte. Colère contre elle-même de se sentir autant attirée par lui alors qu’elle était censée le haïr. Honte, car elle avait le sentiment de trahir Nevra. Qu’est ce qui n’allait pas chez elle ? Il y avait définitivement quelque chose qui clochait.
Elle sentit Nevra se coller contre son dos, ses mains viriles caressant son corps d’albâtre tandis qu’il lui embrassait l’épaule.
« Est-ce que tout va bien ? »
Moody se figea quelques secondes. Puis elle ferma les yeux, s’abandonnant contre le torse de son amant tandis que l’eau coulait sur leurs deux corps. Nevra…il savait si bien lire en elle. Il était certainement le seul à l’avoir cernée et à avoir vu en elle autre chose qu’un monstre sans cœur sous le vernis d’une belle apparence. Hélas, parfois cette clairvoyance l’ennuyait comme à cet instant. La jeune Ombre ne pouvait pas lui avouer que, l’espace d’un instant, elle avait pensé à un autre homme alors qu’il lui faisait l’amour. Surtout cet homme-là. A la place, elle plaqua sur son visage un faux sourire apaisé et se tourna vers le Vampire pour l’embrasser sur les lèvres. Il avait encore son goût sur elles.
« Bien sûr. Je songeais simplement au fait que je suis de patrouille cette nuit et qu’il me fallait me reposer, à mon plus grand regret… »
Nevra la dévisagea, apparemment peu convaincu. Avant qu’il ne tente de lui tirer les vers du nez, Moody leva les yeux au ciel :
« Ha, vous les hommes…sans cesse inquiets concernant vos performances, hein ? »
Elle l’embrassa à nouveau, mordillant sa lèvre inférieure au passage. Le chef de l’Ombre gronda doucement.
« Tu n’as pas à t’en faire, tu as été parfait, comme d’habitude. Cela mérite certainement même une petite récompense, non ? sussurra-t-elle en dégageant sa lourde chevelure pour révéler sa gorge blanche et gracile.
Comprenant où elle voulait en venir, le Vampire oublia sa méfiance et un sourire ourla sa bouche, révélant une canine blanche et pointue.
« Quel honneur, souffla-t-il en retour, une lueur concupiscente brillant dans son regard tandis qu’il contemplait la gorge dégagée de sa compagne. Cela ne me donne que davantage envie de te faire grimper aux rideaux, ma Dame. »
Moody gloussa en passant ses bras autour du cou de son amant.
« Si seulement nous avions encore un peu de temps pour cela…à moins que tu ne veuilles venir me border ?
-J’aimerais tellement, ma douce, répondit le Vampire, son nez frôlant le cou de la jeune femme alors qu’il se repaissait de l’odeur sucrée de sa peau. Mais le devoir m’appelle aujourd’hui et j’ai largement dépassé mon temps de pause…
-Quel dommage, soupira Moody avec une petite moue. Hâte-toi alors de reprendre des forces pour affronter cette terrible après-midi de travail, je m’en voudrais sinon. »
Les canines du Vampire lui piquèrent la peau, la faisant frissonner.
« Avec plaisir. »
Et il la mordit, faisant couler le sang sur sa peau pâle tandis que Moody gémissait. Progressivement, il l’entraîna vers une nouvelle jouissance.
*
* *
Moody bâilla, pas encore tout à fait remise de sa longue sieste. Epuisée par ses aventures de la matinée, la jeune femme avait passé l’après-midi à dormir. La soirée venait de débuter lorsqu’elle s’était réveillée, titillée par la faim. Un repas copieux à la cantine du QG lui permis reprendre quelques couleurs. De retour dans sa chambre, elle avait commencé à se préparer pour son service de nuit, enfilant l’uniforme sombre des patrouilleurs, à savoir une tunique longue à col ourlé et à manches longues, une paire de mitaines en cuir et un pantalon à la matière souple et élastique. Une large ceinture supportant une petite sacoche aux poches multiples venait enserrer la taille de la jeune femme ainsi que sa cuisse gauche. Elle se chaussa ensuite d’une paire de bottes hautes à lacets puis d’une longue cape à capuche aussi noire qu’une nuit sans lune. Une longue épée qu’elle accrocha dans son dos acheva de compléter sa tenue de parfaite petite patrouilleuse de l’Ombre.
Il était à présent temps de retrouver ses collègues de nuit ainsi que son affectation. Moody adressa une brève prière à la lune pour ne pas être de ronde dans l’enceinte du QG. Elle préférait largement être au dehors sous les rayons bienveillants de l’astre lunaire dont ses pouvoirs étaient issus. Et puis surtout, elle espérait que son binôme du soir ne serait pas trop pénible. Beaucoup de ses coéquipiers ne la supportaient pas et il n’était pas rare qu’elle soit obligée de composer avec des Ombres plutôt antipathiques. Sa relation avec Nevra n’était un secret pour personne, et beaucoup pensait que la jeune fille avait bénéficié d’une « promotion canapé », comme on appelait ça vulgairement. S’il était vrai que l’influence de Nevra, couplée à celle de Leiftan qu’elle considérait comme son frère, l’avait aidée, Moody savait qu’elle devait la plus grande partie de sa réussite à son seul talent. Et pour certains, cela était très dur à admettre.
La jeune femme se dirigea vers la cave dans laquelle se trouvait le lieu de rassemblement de la Garde de l’Ombre. Elle était en retard, chose assez inhabituelle chez elle. Peut-être n’aurait-elle pas dû donner autant de sang à Nevra…la fatigue la ralentissait. Il fallait espérer que cette nuit soit paisible, comme d’habitude.
Bien évidemment, et même si elle l’ignorait encore, rien ne se déroulerait selon ses espérances.
Elle traversa un petit couloir qui menait vers ce qui semblait-être une impasse formée par un éboulement de roches. Il s’agissait en réalité d’un mécanisme visant à repousser les intrus. Un rayon magique vint scanner Moody de la tête aux pieds. Reconnaissant un membre des Ombres, l’éboulement, qui s’avérait être une porte, s’ouvrit en deux pour lui laisser le passage.
« Moody. On n’attendait plus que toi, l’accueillit une voix masculine désabusée. »
La fille de la Lune pénétra dans grande pièce circulaire taillée dans la pierre. Eclairée par quelques lanternes refermant des lucioles à la lumière orangée, la pièce n’en demeurait pas moins sombre et presque inquiétante. Des tables en bois étaient fixées contre les parois, laissant le centre de la salle vide à l’exception d’un groupe de soldats de l’Ombre qui, à cet instant, avait le regard rivé sur la nouvelle arrivante.
« Pardonnez-mon retard, fit Moody d’une voix plate, sans donner d’explications. »
Un rire sec et sarcastique retentit :
« Encore en train de prendre du bon temps, j’imagine ? fit une voix féminine, pleine de morgue. »
Quelques ricanements étouffés s’élevèrent. Moody darda sur l’impertinente un regard mauvais. Il s’agissait d’Asta, jolie elfe aux cheveux d’un blond presque immaculé et au teint diaphane qui lui donnait une allure fantomatique. Ses yeux délavés contemplait Moody avec tout le mépris dans elle était capable. Les deux femmes s’étaient détestées à la première seconde et se le prouvait dès que l’occasion se présentait.
« Les filles, ne commencez pas, fit la voix blasée de Fivenn, un Brownie panthère. Je vais annoncer les binômes et les lieux, dès que c’est bon pour vous, vous y allez. Cleïa et Rivel dans la cave. Moody et Asta dans la salle des portes,Lyre et Aidan, à… »
La jeune femme grinça des dents. Super, tout l’inverse de ce qu’elle avait espéré venait de se produire. Asta, non loin d’elle, semblait tout aussi dégoûtée.
La panthère énuméra les différents binômes et lieux jusqu’à l’extérieur du QG, avant de conclure :
« Kovu et moi-même serons sur les toits avec Seraphina et Bellius. C’est parti. »
Asta n’attendit pas Moody pour s’en aller. Celle-ci la suivit de loin sans se presser pour la rejoindre. Quoiqu’il arrive, elle était sûre d’une chose :la nuit allait être merdique.
*
* *
La nuit était déjà bien entamée lorsque Moody sortit de la bibliothèque après l’avoir inspectée méticuleusement. Quelques instants plus tard, Asta surgit silencieusement du laboratoire. D’un geste, Moody indiqua que tout était en ordre. Même chose du côté de sa collègue. Sans plus un regard, la jeune femme poursuivit sa ronde, le regard alerte mais néanmoins songeuse.
Malgré ce qu’elle avait pu penser en début de soirée, la nuit ne se déroulait pas si mal. Asta l’avait ignorée, la laissant patrouiller seule dans son coin. Leurs échanges restaient professionnels même s’ils se limitaient au strict minimum.
Rien n’avait d’inquiétant n’avait été signalé, que ce soit par elle ou ses collègues. En d’autres termes, la nuit filait paisiblement. Cependant, cette tranquillité augmentait paradoxalement son état de fatigue. En cet instant, l’Ombre aurait bien apprécié un peu d’action histoire de la distraire de son lit ou, mieux encore, de celui de Nevra, qui l’appelait.
« Ah, ce regard. Les hormones te titillent encore, la nympho ? »
Peut-être Moody devrait-elle cesser de prier la lune pour cette nuit. De toute évidence, elle n’avait pas envie de lui accorder quoique ce soit.
La fille de la Lune soupira avant de répondre, en ignorant l’insulte :
« Asta, n’étais-tu pas censée inspecter la forge ?
-Bien sûr que si et rien n’est à signaler, comme pour les autres salles. Je t’ai adressée un signe mais tu n’as rien vu, certainement trop occupée à sucer mentalement le dard de ton Vampire. C’était vous ce matin, dans les douches ? »
Moody serra les poings mais ne répondit pas, essayant de garder un air impassible malgré la gêne qu’elle ressentait. Par la Lune…Nevra et elle avaient été si bruyants ?
Comme pour répondre à sa question, Asta poursuivit sur le ton de la conversation :
« Je crois bien que tout le QG t’a entendue te faire tringler par Nevra. Ceux qui voulaient prendre leur douche étaient si gênés qu’ils ont préféré remettre la remettre à plus tard. Y a des chambres pour ça, tu sais.
-Menteuse, lâcha Moody, d’humeur de plus en plus sombre. »
Elle ne s’était pas faite « tringler » par Nevra, c’était plutôt l’inverse. Et elle était certaine que son amant et elle avaient été très discrets.
« C’est pas plutôt toi qui es venue te rincer l’œil ? la provoqua la fille de la Lune avec un sourire au coin.
-Moi ? Je ne suis pas une perverse obsédée comme toi ! s’offusqua Asta en la toisant avec dégoût. »
Sauf que ses joues cramoisies la trahissaient.
« C’est ça ouais, se moqua Moody en secouant la tête.
-Je peux savoir ce que tu essaies d’insinuer ? cracha l’Elfe, furibonde.
-Que tu es jalouse de ma vie sexuelle car la tienne est aussi vide que le creux séparant tes deux oreilles ?
-N’importe quoi ! Qui voudrait ressembler à une nympho telle que toi, tellement en chaleur qu’elle est parvenue à se taper les trois quarts du QG ! Dis-moi, c’est qui ta prochaine cible après Nevra ? Ho attends, laisse-moi deviner… »
Asta se tapota le menton de l’index, faisant mine de réfléchir :
« Valkyon peut-être ? Quoiqu’il paraît que tu te l’es déjà fait, celui-là. Certainement Leiftan alors ! Vous êtes si proches…quoiqu’il est probable qu’il soit l’un des premiers à t’être passé dessus. Ho, non, je sais ! »
Moody ne l’écoutait plus. Quelque chose avait attiré son attention, la distrayant de son envie d’emplafonner sa collègue.
Quelque chose flottait dans l’air. Une odeur tenue, chaude, presque insidieuse. Une odeur qu’elle ne reconnut pas immédiatement, mais qui fit battre son cœur. Une odeur qui l’avertissait d’un danger imminent.
« …ça ne peut être que lui, tiens. Il paraît que vous avez failli vous grimper dessus ce matin à l’entraînement…
-Tais-toi, souffla Moody qui essayait de se concentrer pour tenter de localiser l’étrange mais familière senteur qui paraissait embaumer l’atmosphère à chaque seconde. »
-Quoi, j’ai pas raison ? Avoue qu’il est sur ta liste, vu comment vous passez votre temps à vous tourner autour. Tu crois que Nevra…
-Tu ne sens rien ? l’interrompit Moody en tournant brusquement la tête vers Asta.
-Sentir quoi ? Répondit cette dernière avec une moue dédaigneuse. Tous les phéromones que tu… »
Une terrible explosion retentit soudainement, tout près, suivie par une autre. L’onde se répercuta dans les murs et le sol, les faisant trembler. Des morceaux de murs et de plafonds s’écroulèrent au sol. Abasourdies et choquées, les deux femmes se regardèrent. La déflagration venait de…
« La salle du Cristal ! s’écria Asta en courant dans sa direction. »
Moody la suivit en tentant de reprendre son sang-froid. Déjà des cris retentissaient tandis que les gardiens, réveillés en sursaut, se ruaient hors de leur chambre pour comprendre ce qu’il se passait. Très vite, ce fut l’effervescence.
Une épaisse fumée âcre s’échappait de la salle du Cristal quand Moody parvint devant. Un attroupement s’était formé et tentait de déblayer l’éboulement qui obstruait l’entrée. L’explosion l’avait détruite.
Mais alors…le Cristal…
L’horreur de la situation frappa alors Moody de plein fouet. Le Cristal était probablement détruit. Impossible encore d’évaluer les dégâts mais c’était fortement probable que le cœur d’Eldarya soit grandement endommagé. Peut-être pas anéanti comme elle l’avait tout d’abord pensé car sinon, ils seraient tous morts, pas vrai ? Eldarya aurait sombré…à moins que les minutes voire les secondes soient comptées ? La peur menaça de l’envahir.
« Moody ! »
Deux bras fermes vinrent l’enlacer et elle fit collée avec force contre un torse chaud et familier.
Nevra.
« Tu n’as rien ? Que s’est-il passé ? l’interrogea le Vampire inquiet.
-Ca…ça va, le rassura Moody. Asta et moi effectuions notre garde dans la salle des portes, nous venions de terminer d’inspecter les différentes salles. Nous nous dirigions vers le corridor des Gardes quand…il y a eu les explosions.
-Ne bouge pas, lui ordonna le Capitaine de la Garde de l’Ombre avant de disparaître, probablement pour aider les autres soldats à dégager l’entrée. »
Pour une fois, Moody ne rechigna pas, tout simplement parce qu’elle était incapable de savoir quoi faire. L’attroupement autour de la salle du Cristal grossissait, chacun voulant aider mais tous commençaient à se marcher dessus. La poussière causée par l’explosion emplissait l’atmosphère de particules blanches et opaques, si bien qu’il était difficile de voir et de respirer correctement.
Et malgré toute la pagaille, l’odeur, elle, persistait.
Moody s’en rendit compte en inspirant l’air vicié à plein poumon, comme une noyée remontant à la surface. Ce parfum étrange mais familier, mélange de cuir et de bois brûlé…
Où l’avait-elle déjà senti ?
La jeune femme se mit en marche, suivant la trace olfactive, comme hypnotisée. Elle l’avait senti juste avant l’explosion…et elle la sentait de nouveau, bien plus forte qu’auparavant. Cela pourrait-il avoir un lien avec ce qui venait de se produire ?
Plusieurs gardiens la dépassèrent sans lui prêter attention. Moody continua sa route, surgissant dans la salle des Portes sans s’arrêter. L’odeur s’intensifiait, émanant de…
L’Ombre se figea devant les escaliers qui descendaient vers la réserve de nourriture. Celle-ci jouxtait la cantine et était toujours solidement verrouillée par un sort de protection.
Or celui-ci n’était plus en place.
Ce n’était pas normal. Lentement, Moody descendit les marches. Personne ne la vit disparaître au sous-sol.
L’odeur de cuir l’attirait irrésistiblement mais le sentiment de danger n’avait pas disparu. Les sens aux aguets, la jeune femme toucha le pommeau de son épée du bout des doigts comme pour se rassurer. Elle parvint finalement devant une porte en bois massif. Cette dernière était bien déverrouillée.
Moody expira doucement malgré l’adrénaline qui affluait dans son organisme. Malgré sa crainte, ce fut d’une main ferme qu’elle poussa la porte pour pénétrer dans la réserve de nourriture.
Le panneau de bois s’ouvrit silencieusement, révélant une pièce plongée dans la pénombre. La jeune fille resta sur le seuil un moment, à la recherche du moindre bruit suspect. Vers le fond de la réserve, il lui semblait entendre quelque chose. Le parfum envoûtant était plus intense encore. Instinctivement, elle sut qu’elle se rapprochait du but.
Elle aurait certainement dû faire demi-tour à ce moment pour aller chercher du renfort. Elle aurait dû, au fond d’elle Moody le savait. Mais sa fierté, son désir de prouver qu’elle était légitime, la poussa à entrer seule dans la salle gorgée de victuailles pour affronter l’ennemi. Elle en était certaine : peu importe qui se trouvait là, il ou elle était mêlé(e) à l’explosion dans la salle du Cristal. Elle avait senti son odeur quelques minutes avant l’explosion. Ce n’était certainement pas un hasard.
Un pas après l’autre, l’épéiste aux cheveux d’argent traversa la large pièce encombrée d’étagère sur lesquelles des stocks de nourritures de toute sorte ruisselaient. Il y avait là de quoi nourrir toute une population pour plusieurs mois. Il existait une deuxième salle, plus au fond, qui servait de chambre froide afin de conserver les denrées périssables. Malgré la faible luminosité de l’endroit, uniquement éclairé par de petites lucarnes suffisamment grandes pour laisser passer la lumière lunaire, Moody distingua parfaitement une grande silhouette noire se découper quelques mètres devant elle. Aussi légère et silencieuse qu’une ombre, la jeune femme se dissimula aussitôt derrière une étagère pleine d’herbes et d’aromates pour ne pas se faire repérer. L’individu lui tournait le dos, inconscient de sa présence, et s’affairait à piller allègrement la nourriture si précieuse à ce monde stérile en la balançant dans une sorte de gros sac en toile.
A première vue, la gardienne estima qui s’agissait d’un homme, à en juger par son imposante carrure et ses formes typiquement masculines. Il lui fut cependant impossible de deviner les traits de son visage car ce dernier était dissimulé sous une espèce de masque sombre comme le reste de sa tenue. Il n’était apparemment pas armé, et s’il l’était, son arme était hors de vue.
Moody expira lentement. Elle devait prendre une décision et vite. Il fallait qu’elle profite de l’effet de surprise, donc menacer frontalement l’intrus était exclu. Se faufiler derrière l’homme masqué pour ensuite l’assommer semblait être une meilleure idée. Elle pourrait ensuite appeler du renfort afin de mieux le maîtriser. Oui, parfait. Voilà comment elle allait procéder.
Dans un chuintement imperceptible, Moody fit glisser son épée hors de son fourreau. Puis, tel un souffle d’air, elle se glissa dans le dos du voleur, prête à frapper.
Rien ne se déroula comme prévu.
Avant même qu’elle n’ait pu abattre le pommeau de son épée sur le crâne de l’individu, celui-ci s’était retourné à une telle vitesse qu’elle ne vit rien venir. Moody sentit une douleur si forte à son poignet qu’elle fut contrainte de lâcher sa lame qui tomba au sol avec fracas. Sa main prise dans un étau, la jeune Ombre se débattit, distribuant une série de coups à son attaquant pour lui faire lâcher prise. Il les para avec dextérité. Moody voulut se reculer mais elle se cogna violemment contre une table et c’est ce qui signa sa perte. Elle eut juste le temps de voir un masque hideux et bestial aux yeux rouges luminescents avant de se retrouver la face plaquée contre une surface dure, l’épaule à moitié démise par une clé de bras parfaitement exécutée.
L’épéiste retint un grognement de douleur en serrant son poing resté libre.
«Lâchez-moi !
-Vu ta position, tu es bien mal placée pour donner des ordres. »
La voix de l’homme avait retenti, rauque et déformée par son masque. Il ne bougea pas d’un pouce.
Tentant le tout pour le tout, Moody rua dans l’espoir de le désarçonner, mais ce fut peine perdue. Il lui tordit le bras si cruellement qu’elle crut qu’il allait le lui briser. Sans pouvoir se retenir, elle hurla.
« Tiens-toi tranquille. Tu es seule et tu n’as aucune chance contre moi.
-J’ai…les autres gardiens savent que je suis ici. Ils ne tarderont pas à rappliquer, mentit l’Ombre, haletante à cause de la douleur.
-Menteuse. »
Moody entendit comme un chuintement puis, soudainement, son agresseur la retourna face à lui et glissa la lame aiguisée d’un poignard sous sa gorge tremblante.
Pendant plusieurs secondes, les deux adversaires se dévisagèrent. La femme promena ses yeux améthyste sur son agresseur, notant les détails qu’elle n’avait pas pu apercevoir plus tôt, comme les liserés rouges de sa tenue et la forme de son masque qui lui faisait penser à la gueule grimaçante d’un dragon.
Un dragon…
L’espace de quelques instants, elle eut une impression de déjà-vu. Un flash, une douleur insoutenable et le rire dément d’un homme se muant en un rugissement effroyable tandis qu’il se métamorphosait en dragon.
Ce fut si rapide que Moody n’eut pas le temps de le retenir. Le souvenir disparut dans un coin inaccessible de sa mémoire, lui laissant sur la langue un goût de cendre.
« Vous…souffla-t-elle.
-Que fais-tu là au juste, petite musarose ? L’explosion dans la salle du Cristal n’était pas assez intéressante pour toi ? susurra l’homme masqué en resserrant sa prise sur elle. »
Il y eut comme un léger changement de comportement chez l’individu au visage dissimulé. Son ton auparavant froid et sinistre s’était réchauffé avec une note piquante.
Moody évalua son opposant d’un air farouche, tentant de dissimuler son émoi. L’odeur était revenue, la frappant de plein fouet. Et elle provenait bel et bien de lui. Ah, si seulement elle pouvait se rappeler chez qui elle l’avait déjà sentie ! Un membre de la Garde, c’était certain.
Elle ne pouvait pas risquer de révéler sa nouvelle faculté sous peine qu’il ne la tue, cependant. Après tout, elle était à deux doigts de découvrir sa véritable identité.
« Et vous, cracha-t-elle en retour, pour quelle raison faites-vous tout ceci ? Vous rendez-vous compte que vous nous avez peut-être tous condamnés ?! »
La lame sous sa gorge perfora sa peau pâle, laissant perler une goutte de sang vermeille. Moody grimaça. Son agresseur ne parut pas s’en émouvoir. Au contraire, un rire bas et sombre s’éleva de sous son masque.
« Et comment. Une vraie partie de plaisir, crois-moi. »
Blême de rage, la jeune femme le dévisagea avec haine. L’homme s’en moqua, hypnotisé par le contraste qu’offrait le fin filet de sang sur la peau opaline de sa prisonnière. Il appuya davantage la lame de son poignard contre la chair frémissante pour en faire couler davantage.
« Tu n’as pas répondu à ma question. Dépêche-toi, ma patience a des limites. »
Moody serra les dents. Si elle espérait le distraire en le faisant parler de lui, c’était raté.
« C’est bien simple : il m’a suffi de suivre l’immonde odeur de pourriture qui se promenait dans l’air pour tomber sur le tas de fumier duquel elle émanait. »
La jeune fille crut un instant que l’homme masqué allait l’égorger pour de bon. Pendant une fraction de seconde, la lame exerça une pression terrible, assez pour lui faire monter les larmes aux yeux. Puis il cessa d’appuyer d’un coup.
« Tu m’as senti, comprit-il, dans un murmure. »
Derrière le masque hideux dissimulant son visage, Moody sentit que l’homme souriait.
« Intéressant.
-Quoi ? Fit-elle, déroutée.
-Chère Moody, j’ai toujours su que tu finirais par te révéler, un jour, ronronna l’inquiétant personnage d’une voix doucereuse.
-Comment est-ce que vous connaissez… »
La révélation la frappa comme un coup de massue. En un instant le voile du déni se leva et elle se souvint à qui appartenait cette odeur qui lui avait fait perdre la tête. Mélange de cuir et de bois brûlé, brûlante comme le souffle d’un dragon...elle l’avait déjà sentie oui, et pas plus tard que le matin-même, à l’entraînement.
« Lance…murmura l’Ombre, dans un souffle. »
L’homme se figea d’un coup. Moody déglutit avant d’affirmer, malgré sa voix tremblante :
« C’est vous…Lance ! »
Pendant un instant, le temps sembla suspendu. Aucun des deux êtres ne bougea. Puis, sous les yeux écarquillés de la fille de la Lune, l’homme leva une main vers son masque hideux qu’il souleva précautionneusement jusqu’à révéler le beau visage peint d’un rictus sardonique de l’Etincelant balafré.
« Gagné, concéda-t-il en posant son masque sur la table, juste à côté d’elle. »
Son sourire mauvais s’agrandit tandis qu’il contemplait les traits tirés sa prisonnière.
«Il faut dire qu’entre membres de la même espèce, on se reconnaît plutôt bien, pas vrai ? »
Moody ne comprit pas ce qu’il voulut dire. En vérité, elle l’écouta à peine, trop choquée de découvrir Lance derrière le masque du terroriste ayant saccagé le Quartier Général. Lance, l’Etincelant, le bras droit de Miiko, dévoué à la Garde d’Eel…elle avait beau le trouver insupportable, elle ne pouvait pas croire qu’il fut un traître.
« Comment avez-vous pu… ? souffla-t-elle en le fixant avec horreur. »
Lance sembla se délecter de son expression ravagée. Il glissa sa main gantée dans la chevelure argent de sa proie et enroula une mèche autour de ses doigts.
« Je pourrais te l’expliquer. Malheureusement, tant que tu seras dans le déni concernant le sang qui coule dans tes veines, tu ne pourras pas comprendre ce que je cherche à faire. »
Moody secoua la tête, comme si elle refusait de recevoir les mots de son agresseur. Les siens se bousculaient au bord de ses lèvres sans parvenir à sortir de manière cohérente. Ses pensées carburaient à toute vitesse. Ce dont elle était sûre, cependant, c’est qu’il fallait qu’elle fuie ce monstre et sorte d’ici prévenir la Garde. Malheureusement, elle était prise au piège et son épée était hors d’atteinte. Fort heureusement, Lance ne semblait pas presser de la tuer. Il fallait en profiter et le faire parler.
« Pourquoi voler de la nourriture ? Comptiez-vous fuir après avoir accompli votre crime ? »
Comme s’il avait deviné ses intentions, Lance la dévisagea d’un air goguenard.
« Tu ne crois pas que tu en sais déjà assez ? Tu n’étais déjà pas censée découvrir mon identité.
-Alors vous allez me tuer ? demanda l’Ombre avec sang-froid bien qu’intérieurement elle n’en menât pas large. »
L’Etincelant eut un nouveau rictus tandis qu’il la détaillait de haut en bas.
« Ho non. J’ai d’autres projets pour toi. »
Moody frémit. Elle n’aimait pas le regard que Lance promenait sur elle, le même que celui qu’il lui avait adressé le matin-même durant l’entraînement. Au même moment, elle réalisa l’ampleur du guêpier dans laquelle elle s’était fourrée. Elle était seule, à la merci de l’Etincelant qui n’était rien d’autre qu’un dangereux traître, enfermée. Personne ne savait qu’elle était là et personne ne viendrait à son secours.
L’atmosphère s’était soudainement alourdie, chargée d’une tension suffocante. La lame du poignard quitta doucement sa gorge blessée pour descendre le long de sa poitrine, faisant crisser le tissu de la tunique qu’elle portait.
« Arrêtez, chuchota Moody, le souffle court, tétanisée. »
Son corps réagissait de la pire des manières. La jeune femme sentit sa température corporelle augmenter et une certaine moiteur envahir l’intérieur de ses cuisses. Comme à chaque fois qu’elle se trouvait en présence de Lance, l’Ombre eut l’impression de se consumer. Son esprit avait terriblement conscience du danger que représentait l’Etincelant, mais ses sens n’en avaient cure. C’était rageant.
« Arrêter quoi ? fit son ennemi, feignant l’innocence. »
L’attache de la cape de la jeune femme se rompit soudainement, laissant le manteau glisser de ses épaules jusqu’à la table dans un froissement feutré. Ce fut comme un coup de fouet pour Moody. Sans prévenir, elle donna une brusque bourrade dans le torse de son adversaire qui recula en grognant. La jeune femme profita de la brèche offerte pour se ruer vers l’entrée de la réserve, le cœur battant la chamade. La porte était tout près. Plus que quelques mètres et…
« Oit emref ! »
La porte émit soudainement un cliquetis inquiétant, comme celui d’une clé tournant dans une serrure. Un cercle d’un rouge lumineux aux runes étranges se grava sur le battant. Malgré cela, Moody se jeta sur la poignée et la secoua vainement. L’entrée venait de se verrouiller. Effrayée, la jeune femme tourna la tête vers Lance, faisant voler sa chevelure argentée. Celui-ci se tenait à quelques pas, l’air sombre, sa main gantée tendue vers la porte.
« Ecnelis ud uaecs el ésopa tios euq ! »
La porte s’illumina de nouveau, et des runes bleu clair vinrent se superposer au premier sceau pour ne former qu’un seul et unique symbole d’une douce couleur lilas. Choquée, l’Ombre fixa l’Etincelant d’un air hébété.
Comment diable connaissait-il l’Ancien Langage ?
« Cessons ce petit jeu du maülix et de la musarose, tu veux ? T’en crèves d’envie autant que moi. Je sens l’odeur de ta mouille d’ici. »
La fille de la Lune fixa le guerrier, interdite. Ce dernier poursuivit, tout en s’avançant tranquillement vers elle, sachant qu’elle ne pouvait plus lui échapper.
« T’as envie de ma queue dans ta chatte depuis le premier jour. Aucun des hommes à qui tu as offert ton cul ne t’a jamais donné ce dont tu avais réellement besoin. Pas même ce putain de Vampire, je parie.»
Tout en déversant ses paroles crues, l’homme avait retiré ses gants, dévoilant ses mains puissantes et viriles. Il n’était plus qu’à quelques pas de Moody adossée contre la porte. Elle le fixait de ses pupilles dilatées, le souffle court.
« Mais tu pourras toujours faire semblant du contraire pendant que je te baiserais, si ça te chante.
-C’est Nevra que j’aime, rétorqua Moody dans un grondement bas. »
Lance eut un sourire narquois.
« Et c’est pourtant ma queue que tu rêves d’avoir. »
Dans un cri rendu rauque par la colère, la gardienne se jeta sur l’Etincelant pour lui faire ravaler ses paroles outrancières. Il intercepta ses coups et l’immobilisa sans peine contre lui, un énorme rictus étirant ses lèvres fines.
« Je t’ai déjà dit à quel point tu es bandante quand tu es en colère ? »
L’homme ne lui laissa pas le temps de répondre. Il fondit sur ses lèvres dont il s’empara avec rage, sa main agrippant la chevelure argentée de la jeune femme pour l’empêcher de se soustraire à lui. Le baiser n’avait rien de tendre. Moody gémit en sentant la langue de son ennemi s’introduire dans sa bouche sans lui laisser aucune chance de dominer. C’était lui qui menait la danse, lui qui la pliait à sa volonté jusqu’à la laisser haletante et frémissante, allégorie même du désir qui les consumait tous les deux. Et par la Lune, que c’était bon…c’était comme si des vannes venaient de s’ouvrir et tout ce contre quoi Moody avait lutté fut englouti par le torrent de sa passion dévorante. Ses mains vinrent tâtonner le torse de l’homme, cherchant à le défaire de ses vêtements, avides de toucher sa peau et d’en savourer la chaleur et la texture qu’elle devinait douce et ferme.
Brusquement, Lance plaqua la jeune femme dos contre la porte, emprisonnant ses poignets au-dessus de sa tête d’une seule main puissante. Moody hoqueta, surprise. Tout près d’elle, l’Etincelant la fixait de ses orbes bleues intenses et brûlantes.
« Pour ce soir, tu te contenteras de te faire baiser. »
Sans attendre une quelconque réponse, il glissa son autre main sous la tunique de l’Ombre tandis que ses lèvres avides revenaient dévorer les siennes. La jeune femme le sentit s’emparer d’un de ses seins ronds et fermes pour le malaxer, ses doigts titillant vicieusement la pointe déjà dure en leur centre. Moody glapit à nouveau, se tortillant sous la poigne de l’homme qui lui faisait déjà perdre la tête. Sa cuisse effleura par mégarde son entrejambe, notant son érection imposante que le tissu de son pantalon avait bien du mal à contenir. Il grogna contre sa bouche sans la lâcher ni cesser ses attouchements grisants. La gardienne émit un petit cri lorsqu’il fit rouler un téton durci entre ses doigts avant de le pincer avec un plaisir sadique, savourant la petite grimace qui tordit la bouche pulpeuse contre la sienne. Il fit subir le même traitement à son autre sein, envoyant des ondes de plaisir dans son corps qui se répercutèrent jusqu’à dans son intimité humide. Puis soudain, Lance libéra ses poignets endoloris. Le soulagement fut de courte durée. Moody sentit une large main se glisser dans sa culotte et elle hoqueta.
Le traître grogna en réalisant à quel point elle était trempée. Sa bouche se tordit contre ses lèvres alors qu’il lui murmurait :
« T’es déjà toute mouillée alors que je t’ai à peine effleurée…ose après me faire croire que tu n’en as pas envie.
-J’imagine qu’il s’agit de Nevra, ça rend tout de suite les choses bien plus agréables, le provoqua-t-elle en étirant ses lèvres gonflées par ses baisers en un rictus narquois. »
La pique ne fut pas du tout au goût du guerrier aux cheveux blancs. La jeune femme vit un éclair sombre traverser son regard avant qu’il ne la retourne subitement pour la plaquer contre le panneau de bois en emprisonnant un de ses bras dans son dos. Il agrippa ensuite la longue chevelure d’argent qu’il enroula autour de son poing et tira dessus jusqu’à l’obliger à ployer contre lui. Moody retint un cri de douleur entre ses dents serrées.
Elle sentit le souffle chaud de l’Etincelant contre son oreille tandis qu’il lui murmurait tout en lui mordillant le lobe :
« Tu as perdu le droit de jouir. »
Il relâcha ses cheveux pour replonger sa main sous sa ceinture et la fille de la lune sentit ses doigts recommencer à se frotter contre son clitoris. Dans le même mouvement, il plaqua son bassin contre ses fesses, lui faisant ainsi ressentir l’intensité de son érection.
Elle laissa échapper un gémissement involontaire : la main de l’homme entre ses cuisses faisait des merveilles, ses doigts tripotant son bouton de chair si délicieusement qu’elle ne put s’empêcher d’onduler des hanches pour l’encourager à poursuivre plus loin. Ce qu’il fit en parcourant la longueur de sa fente en une caresse sensuelle, juste avant d’y enfoncer un doigt, puis un deuxième.
« Ah ! »
Moody geignit à nouveau lorsqu’il commença à bouger ses doigts en elle tout en taquinant son point sensible du pouce. De délicieux frissons parcoururent son corps aux sens exacerbés. Sa main fine vint s’abattre contre la porte afin de s’assurer une prise. Ses jambes tremblantes avaient de plus en plus de mal à la soutenir. Tout à coup, il libéra sa main qu’il tenait jusqu’alors emprisonnée. La jeune femme la plaqua aussitôt entre ses jambes, sans savoir si elle cherchait à interrompre les attouchements de l’Etincelant ou, au contraire, à l’inciter à les poursuivre. C’était si bon que cela en devenait presque douloureux. Et lorsqu’elle sentit l’autre main de Lance se faufiler à nouveau sous sa tunique pour saisir rudement un de ses seins, Moody crut définitivement défaillir. Par la Lune, ce type savait se servir de ses doigts. Les petits bruits mouillés de ces derniers allant et venant dans sa chatte combinés aux pressions exercés sur son téton sensible la rapprochaient de l’orgasme. L’Ombre le sentait arriver, grandissant au creux de son ventre tel un feu prenant vie. Elle n’arrivait plus à retenir ses gémissements, lesquels jaillissaient de sa gorge en une ode au plaisir.
Mais au moment où elle allait jouir, abandonnant son corps au plaisir suprême si savamment amené par la main experte de l’homme, celui-ci la retira brusquement. Le cri que poussa alors Moody n’eut rien à voir avec l’extase.
« Non ! »
Elle tenta alors de retenir la vague, se débattant entre les bras de son geôlier qui, amusé par sa détresse, resserra sa prise en ricanant. Terriblement frustrée, la jeune femme tenta alors de se finir elle-même mais des bras puissants l’en empêchèrent. Elle tenta de résister mais dut admettre l’évidence : la volonté et la force de Lance étaient bien supérieures aux siennes. Résignée, Moody s’abandonna contre le torse de son tortionnaire en laissant échapper un soupire semblable à un sanglot.
Un rire grave, mauvais, résonna au creux de son oreille.
« Connard, laissa-t-elle échapper entre ses dents.
-Dorénavant, quand tu voudras jouir, tu devras me supplier, ma belle, ronronna Lance visiblement très satisfait de sa vengeance.
-Dans tes rêves, sale enfoiré, cracha-t-elle encore toute tremblante et honteuse de se sentir si vide.
-Voyons ça tout de suite. »
Lance la jeta brutalement contre une table chargée de corbeilles de fruits. Ces dernières dégringolèrent au sol lorsque la jeune femme les heurta, répandant tout leur contenu au sol. Sonnée par le choc et la douleur qui lui sciait le ventre suite à l’impact, Moody n’eut pas le réflexe immédiat de chercher à se redresser. Comment aurait-elle pu de toute manière ? Une large main vint s’abattre sur sa nuque, la forçant à demeurer pliée en deux sur la desserte. Elle sentit plus qu’elle ne vit Lance défaire la ceinture qui retenait son pantalon qu’il abaissa ensuite d’un geste sec en même temps que sa culotte, exposant les fesses rondes et charnues de la jeune femme. Celle-ci devina ce qu’il s’apprêtait à faire. Elle chercha à se débattre, refusant encore d’admettre qu’au fond d’elle, la situation l’excitait terriblement. Le poids sur sa nuque s’appesantit, lui arrachant une grimace de douleur.
Il y eut un rapide froissement de tissu derrière elle et soudain, l’homme fut en elle, la pénétrant sans aucune douceur.
Moody poussa un cri de surprise et de douleur lorsqu’il s’enfonça profondément en elle. Bien que parfaitement lubrifiée, elle ne s’était pas attendue à accueillir aussi soudainement un membre aussi large. Derrière elle, contre elle, la gardienne entendait l’Etincelant grogner. Il s’était immobilisé, savourant la chaleur et la douceur de sa chatte qui se contractait tout autour de sa queue.
« Qui aurait cru qu’après ses multiples ramonages, ta chatte serait aussi étroite, mh ? ricana-t-il en commençant à bouger en elle, ce qui lui arracha un hoquet. »
La fille de la lune ne répondit pas, trop occupée à se mordre les lèvres. La queue de l’Etincelant l’emplissait tout entière, écartant ses parois, les forçant à se modeler et à s’adapter à sa présence. Sa position ne rendait la sensation de pénétration que plus intense. Lorsqu’il commença à la pilonner, Moody gémit, tremblante de désir. Ecrasée contre la table, les yeux fermés et le visage niché dans son bras, elle ne put que laisser son amant faire ce qu’il voulait d’elle. Ses va-et-vient gagnèrent rapidement en intensité, faisant cogner les hanches de la jeune femme contre le bois du meuble tandis que son bassin claquait frénétiquement contre ses fesses. Cela lui faisait bien et mal à la fois, paradoxe qui la poussa bientôt à en vouloir davantage. Les sons de plus en plus forts qui s’échappaient de sa bouche ne faisaient qu’accroître le désir de son partenaire qui se délectait de la voir ainsi soumise. Moody aimait contrôler et diriger, mais Lance encore plus. Contempler la fière gardienne impuissante se tortiller de plaisir sous ses coups de boutoir l’excitait au plus haut point. Il en avait tellement rêvé. Sentir la chatte de l’Ombre gainer si parfaitement sa queue était un pur délice auquel il risquait rapidement de prendre goût.
Malmenée par les coups de reins qui faisaient trembler la table sous elle, Moody gémit et cria son plaisir encore et encore. A ce moment, plus rien d’autre n’avait d’importance si ce n’était son membre en elle.
« Moody ! »
La fille de la Lune ouvrit subitement les yeux. Non loin de là, derrière la porte close, il lui avait semblé entendre une voix familière l’appeler.
« Moody ! »
Non, elle n’avait pas rêvé. On criait bel et bien son nom. Et la voix était celle de…
« Nevra ! s’écria-t-elle d’une voix cassée en se raidissant soudainement. »
Lance aussi l’avait entendu. Moody ne vit pas son expression, mais elle le sentit s’immobiliser en elle, sans toutefois la relâcher.
« Moody, où es-tu ?! »
Le Vampire était tout prêt. La jeune femme pouvait entendre l’inquiétude percer dans sa voix. Il était si proche…elle n’aurait qu’à hurler et alors il…
« Crie donc, ce serait dommage de ne pas le convier à notre petite sauterie, tu ne crois pas ? s’amusa Lance, au-dessus d’elle. »
Moody hésita alors. Elle eut alors une vision très nette d’elle complètement débraillée et renversée sur la table, haletante et suante suite aux assauts de Lance, le regard voilé par le plaisir. Par la Lune, que dirait Nevra? Il était là, à seulement quelques mètres et la cherchait partout alors qu’elle était en train de se faire baiser par leur supérieur. Il ne le supporterait pas. Et malgré ça, elle…
Elle hoqueta en sentant le bras de son amant glisser sous son ventre et la soulever comme si elle ne pesait rien.
« A ton avis, que dirait ton cher Vampire en te voyant te faire sauter par un autre ? Tu crois qu’il aimerait ? J’adorerais voir sa tête, pas toi ? ricana-t-il en emprisonnant la jeune femme contre son torse, le nez dans ses cheveux argentés et son sexe épais a demi-enfoui en elle.
-Arrête…souffla Moody, le rouge aux joues, partagée entre plusieurs émotions qu’elle avait du mal à définir.
-Que j’arrête quoi ? Ca ? rétorqua-t-il en la gratifiant d’un coup de rein paresseux qui arracha un gémissement involontaire à son amante. Tu as pourtant l’air d’adorer… »
La voix de Nevra retentit encore, mais avec moins de force. Il était en train de s’éloigner, n’ayant pas remarqué le sceau inhabituel qui ornait l’entrée de la Réserve, ni entendu les cris de plaisir de sa fiancée en train de se faire baiser par un autre homme.
« Nevra…murmura Moody, à la fois honteuse de trahir ainsi son petit ami et excitée qu’il ait manqué de la surprendre dans cette position si compromettante et surtout, dans les bras de Lance qu’elle était censée haïr de toute son âme. »
Elle ferma les yeux, imaginant malgré elle le Vampire la regarder coucher avec Lance tout en se branlant devant la scène avec concupiscence.
Cette image réveilla son désir et elle mouilla d’autant plus. Ce fut elle qui reprit leurs ébats en ondulant ses hanches, offrant ses fesses au guerrier qui grogna de plaisir. Il remonta ses mains vers ses seins qu’il soupesa de ses grandes mains avant d’en pincer les extrémités, ce qui lui attira un nouveau gémissement excité. Moody s’agita contre lui cherchant à prendre le contrôle sur leur corps à corps. Elle savourait, attentive, la sensation de son sexe allant et venant elle en elle, et sa main se glissa vers son pubis afin de stimuler son bouton de chair esseulé. Lance l’en empêcha en saisissant son poignet et elle geint, cherchant à se défaire de son emprise.
« Je te l’ai dit : il va falloir me supplier pour ça, gronda-t-il en saisissant une de ses cuisses qu’il souleva.
-Ja…jamais, haleta la jeune femme avant de pousser un petit cri en sentant l’homme varier légèrement l’angle de la pénétration ce qui ne fit qu’accroître la sensation. »
Lance ne rétorqua pas. Les évènements le feraient pour lui. Il se contenta d’entraîner la gardienne au sol, l’obligeant à se mettre à quatre pattes afin de la baiser avec plus de vigueur.
Il sourit en prenant conscience des efforts que la jeune femme faisait pour retenir ses cris et gémissements. Elle ignorait qu’en réalité, il avait apposé un sceau de silence sur la porte dans le but que celle-ci bloque tous les sons provenant de l’intérieur de la pièce. A aucun moment Nevra n’avait été susceptible de les entendre.
Il accélèrera le mouvement, empoignant les hanches de la jeune fille afin de trouver l’angle qui la ferait hurler. Il la sentait se contracter autour de sa verge. Elle était sur le point de jouir, et le cri qu’elle poussa lorsqu’il tapa sur ce fameux point en elle le lui confirma. Lance ralentit alors l’allure, jusqu’à presque s’immobiliser, ce qui irrita Moody qui s’en plaignit, totalement sous l’ivresse de l’acte. Il continua ainsi de la torturer, gagnant progressivement en vitesse jusqu’à ce qu’elle soit à deux doigts de l’orgasme, avant de s’arrêter presque subitement, lui dérobant ainsi le plaisir qu’elle espérait tant pour la plier à sa volonté.
« Je t’en prie, je t’en prie…répétait-elle comme une litanie, presque en sanglotant.
-Pas la bonne formulation, ma jolie, répliqua l’Etincelant, la mâchoire crispée. »
Lui aussi se sentait au bord de l’abysse, ayant de plus en plus de mal à se maîtriser. La vue que lui offrait Moody, son dos, ses hanches et ses fesses ainsi exposées ne lui facilitaient pas la tâche. Elle était tout simplement divine.
Elle hurla, alors qu’il venait une nouvelle fois de lui refuser la jouissance :
« Je t’en supplie ! Laisse-moi…laisse-moi jouir bordel ! »
Lance sourit, victorieux…et se laissa basculer dans la folie. Ses coups de reins se firent plus puissants tandis que Moody hurlait son plaisir sans plus se soucier d’être entendue. Ses muscles se raidirent et son corps s’arqua lorsqu’un orgasme dévastateur la traversa, la laissant sans souffle et tremblante sur le sol. Lance admira sa chute avant de jouir à son tour dans un grognement d’extase, déversant sa semence en jets chauds et épais entre ses cuisses flageolantes.
Ils restèrent tous deux emboîtés l’un dans l’autre, le souffle rauque, l’esprit encore embrumé par la jouissance. Lorsque la chatte de son amante eut achevé de lui soutirer les dernières gouttes de son plaisir, Lance se redressa. Silencieuse, Moody le regarda reboucler sa ceinture et remettre ses gants comme si de rien était avant de s’éloigner de quelques pas pour récupérer quelque chose au sol. Lorsqu’il se retourna vers elle, la jeune femme vit qu’il tenait son masque hideux. Elle sursauta, paraissant revenir à elle.
« Je ne te laisserai pas t’en tirer comme ça, lâcha-t-elle froidement en se relevant pour arranger sa tenue froissée.
-Ha oui ? Tu es vraiment insatiable, ma parole, répliqua l’Etincelant en lui adressant un sourire pervers. »
Moody secoua la tête, agacée malgré ses joues en feu.
«Tu as tenté de détruire le Cristal. Tu as pillé et saccagé la réserve de nourriture…
-Pour ce dernier point, j’ai été pas mal aidé…
-Tu es un traître ! hurla-t-elle, les poings serrés. »
Il s’avança vers elle, un rictus sombre aux lèvres. La jeune Ombre se recula, cherchant à l’éviter mais son dos heurta une étagère chargée de boîtes de conserves dont quelques-unes dégringolèrent au sol avec fracas. Une main s’abattit sur le meuble, juste à côté de sa tête et Moody se retrouva coincée entre le large torse de son ennemi et le rayonnage branlant.
« Selon toi, gronda Lance en la surplombant de toute sa taille, qui a trahi l’autre en premier ? Ce monde ou moi ?
-Tu es un Etincelant, l’un des plus hauts dirigeants de la Garde d’Eel, fidèle à Eldarya, récita Moody en secouant la tête ce qui voler quelques mèches de sa chevelure lunaire. Pourquoi trahir ce monde alors que tu as voué ta vie à le protéger ?
-Ce monde est faux et mauvais, né du sacrifice d’innocents dont la race est aujourd’hui à l’agonie.
-Qu’est-ce que tu racontes ? fit la jeune femme, troublée. »
L’homme se pencha vers elle, plongeant ses orbes bleues dans celles améthystes de son amante, sa bouche à quelques centimètres à peine de la sienne alors qu’il murmurait :
« Rien dont tu ne te doutes pas déjà, mais à vrai dire, je n’ai plus le temps pour une leçon d’Histoire.
-Je te dénoncerai, le menaça-t-elle avant de frémir en sentant ses lèvres effleurer les siennes.
-Tu n’en feras rien. »
Lance se redressa soudainement avant de remettre son masque aux traits reptiliens. Moody demeura figée, le souffle coupé. Lorsqu’il reprit la parole d’une voix déformée, la fixant à travers les deux orifices rougeoyants de son masque, son ton était sans appel.
« Tu n’en feras rien car alors la vie de ton Vampire sera réduite en charpie et, crois-moi, rien ne pourra m’empêcher de le tuer et certainement pas la Garde. Je te laisserai même regarder.»
Moody blêmit de rage.
« Tu ne toucheras pas à un seul des cheveux de Nevra !
-Alors il ne tient qu’à toi de tenir ta langue et de l’utiliser pour d’autres tâches bien plus plaisantes. »
L’odieuse insinuation ne lui échappa pas. Moody le fusilla du regard, impuissante.
« Je refuse d’être ta complice.
-Rassure-toi, tu ne le seras pas longtemps. Mais je ne suis pas ingrat… »
Il se rapprocha d’elle, sa main gantée se tendant vers sa poitrine qu’il effleura avant de descendre plus bas en une caresse pleine de promesses. La gardienne l’arrêta avant qu’il n’aille trop loin, maudissant son corps qui le réclamait encore malgré elle.
« Tais-toi et tu seras récompensée. Trahis-moi et le Vampire mourra. Dans les deux cas, j’y prendrai énormément de plaisir. »
Et soudain, alors que Moody ouvrait la bouche pour répliquer à nouveau, il la saisit à la gorge et la souleva du sol. Suffocante, la gardienne se débattit, griffant la main qui l’étranglait en vain.
« Fais de beaux rêves. »
Sans prévenir, il abattit sa tête contre le mur. Moody ressentit le choc, puis la douleur, terrible. Perdant conscience, elle s’affala comme une poupée de chiffon dans les bras de son amant.
*
* *
L’agitation était à son comble dans la salle du Cristal. Réunis autour d’une large table ovale surplombé parce qu’il restait du Cristal brisé, se tenaient les figures importantes de la Garde d’Eel. Les capitaines des trois Gardes, Ombre, Absynthe et Obsidienne, se tenaient assis côtes à côtes, conversant entre eux à voix basses. Valkyon avait les bras croisés comme souvent, et la ligne fine qui barrait son visage trahissait son inquiétude. Nevra était d’une humeur de Blackdog et ne s’en cachait pas. Quant à Ezarel, il pianotait nerveusement des doigts sur la surface lisse de la table sans avoir le cœur à rire. Le reste de l’assemblée était constitué de l’Etincelante avec Ykhar et Kero prêts à prendre des notes, Leiftan qui patientait, immobile, et de lui-même, Lance, bras droit de la dirigeante de la Garde. Le guerrier contemplait le Cristal partiellement détruit. Les dégâts qu’il lui avait infligés allaient au-delà de ce qu’il avait espéré. S’il avait su, il aurait prévu plus que deux bombes. Il souriait intérieurement, se réjouissant de l’expression désespérée de ses collègues, ces traîtres et ces lâches qui soutenaient ce monde bancal et corrompu, fruit d’un sacrifice non consenti. Un sacrifice injuste pour un peuple ingrat dont Lance ne voyait en l’être humain qu’ils fuyaient que le reflet de leur propre médiocrité. A cause de ces faëliens égoïstes, Valkyon et lui avaient tout perdu. Et cela, Lance ne leur pardonnerait jamais.
« Pardonnez notre retard, retentit soudainement une voix claire. Nous revenons de l’infirmerie. »
La dirigeante Miiko s’avançait en compagnie d’Eweleïn, l’infirmière de la Garde. A ces mots, Nevra s’était redressé, fébrile.
« Comment va-t-elle ? »
Lance le contempla d’un air impénétrable, même s’il bouillait de l’intérieur.
Eweleïn échangea un regard avec Miiko en prenant place autour de la table puis répondit :
« Moody souffre toujours de multiples lésions ainsi que d’une commotion cérébrale certainement provoqué par le souffle de l’explosion de la réserve. Ses jours ne sont plus en danger, mais elle est toujours inconsciente. Je ne peux malheureusement pas dire quand est-ce qu’elle se réveillera. »
« Tant mieux, songea Lance. »
Inconsciente, la jeune femme était ainsi dans l’impossibilité de révéler quoique ce soit. Cela lui donnerait assez de temps pour peaufiner son plan que sa présence avait mis à mal. D’un autre côté, Lance avait hâte qu’elle se réveille. Son joli petit cul lui manquait. Peut-être y avait-il été un peu fort en l’assommant. L’explosion qu’il avait ensuite produite dans le fond de la réserve pour s’échapper n’avait pas non plus arrangé les choses. Quel dommage…
Personne n’était en mesure de lui rendre visite, Miiko et Eweleïn l’avaient formellement interdit. Au vu des circonstances, sa présence sur les lieux au moment de la troisième explosion qui avait ravagé leurs réserves de nourriture était primordiale. Moody était devenue un témoin essentiel, sa santé et sa sécurité étaient de ce fait d’une importance capitale pour tous.
« Vous vous en doutez tous, mais l’attaque que nous avons subi la nuit dernière a manqué de tous nous tuer. Le Cristal est partiellement détruit, ses morceaux disséminés on ne sait où. Notre réserve de nourriture est saccagée et les rations que nous avons récupérées ne sont pas suffisantes pour nous nourrir plus de quelques semaines. A l’heure actuelle, notre priorité est de réunir les derniers ingrédients pour ouvrir un Portail et ce peu importe le prix. La seule chose sur laquelle nous pouvons nous estimer chanceux est qu’il n’y eut aucun blessé durant les attentats à part Moody qui se remet progressivement.
-Sa présence dans la réserve au moment de la troisième explosion me questionne beaucoup, intervint Ezarel en fronçant les sourcils. Que faisait-elle là alors qu’elle n’avait aucune raison d’y être ? Peut-on penser qu’elle soit la responsable de tout ceci ?
-Je n’y crois pas une seule seconde, rétorqua Nevra en fusillant son collègue du regard. Asta, son binôme ce soir-là a certifié que Moody était à ses côtés lorsqu’il y a eu les deux premières explosions. Elle a dû voir quelque chose de suspect dans la réserve et a certainement voulu l’appréhender.
-Seule ? C’est très imprudent. De plus, il me semble que le sceau de protection était toujours en place, alors comment…
-Le souci est qu’il y a trop de points d’ombre pour comprendre ce qu’il s’est exactement passé, les interrompit Miiko avec sévérité. La seule qui pourra nous éclairer est Moody, or nous devons attendre son réveil. D’ici là, nous ne pouvons négliger aucune piste, ne t’en déplaise Nevra.
-Moody ne trahirait jamais la Garde ! s’offusqua le Vampire.
-Innocente tant qu’on n’a pas prouvé qu’elle est coupable, récita la dirigeante en fermant les yeux, et coupable tant qu’on n’a pas prouvé qu’elle est innocente. »
Un lourd silence s’abattit sur la tablée. Nevra se contenait pour ne pas exploser, refusant qu’on puisse penser que Moody était impliquée dans ces attaques. Il en était certain, elle n’aurait jamais fait une chose pareille et il ne le pensait pas uniquement parce qu’elle était son amante. Il y avait forcément une explication logique à tout cet imbroglio.
« L’enquête actuelle n’a rien révélé pour le moment ? S’enquit Leiftan, visiblement peiné lui aussi. Après tout, Moody était également sa protégée, presqu’une sœur pour lui.
-C’est le gros foutoir, pardonnez-moi l’expression, répondit Miiko en soupirant. Malgré notre rapidité d’intervention, j’ai peur que certaines pistes n’aient malencontreusement été saccagées. Notre équipe d’enquêteurs continue néanmoins ses recherches et effectue des prélèvements ainsi que la récolte de témoignages. J’ai le droit à un rapport toutes les heures.
-Revenons à ce qui nous préoccupe le plus pour le moment, fit Valkyon sans décroiser les bras. Nos réserves de nourriture sont au plus bas et il nous faut de quoi ouvrir un Portail vers la Terre. Qu’est-ce qu’il nous manque ?
-Les matériaux habituels, si je puis dire. L’écaille et les larmes de dragons ainsi qu’une plume d’aengel…
-Nous devons fouiller les lieux antiques, dans ce cas. Il y a peut-être des chances de trouver ce que nous cherchons. Il faut organiser plusieurs expéditions dès maintenant, le temps presse.
-J’allais y venir, confirma Miiko. La mission principale de l’Etincelante sera d’enquêter sur les attentats. La vôtre, en tant que chefs de la Garde Absynthe, Obsidienne et Ombre est de vous mettre à la recherche des ingrédients nécessaires à la création d’un Portail.
-Bien reçu. »
Valkyon et Ezarel se levèrent pour organiser les préparatifs. Nevra mit plus de temps, comme s’il désirait ajouter quelque chose. Finalement, il laissa tomber et rejoignit ses collègues, la mort dans l’âme.
Lorsqu’ils furent partis, Miiko reprit en réprimant un nouveau soupir :
« La situation est très délicate, mais même dans le cas où Moody serait innocente, nous devrons…
-Considérer le fait qu’il y ait un traître parmi nous ? poursuivit Lance, prenant la parole pour la première fois depuis le début de la réunion. »
Tous les regards convergèrent vers lui.
« Peut-être même qu’il y en a plusieurs. Réorganiser la Garde en ayant conscience de ce fait sera compliqué, mais pas impossible. Nous devons assurer la sécurité de notre peuple, chose que le Cristal ne peut plus faire. Il va certainement falloir construire des refuges pour accueillir les populations qui ne seront plus sous la protection du Cristal et elles risquent d’arriver nombreuses. Il faudra également se lancer dans une quête pour tenter de récupérer le plus de morceaux de Cristal possible. Peut-être qu’en les réunissant, nous pourrons lui rendre sa puissance d’antan.
-Tu as raison, Lance, approuva Miiko. Il nous faut dès à présent penser à l’avenir d’Eldarya et pas uniquement au futur proche. »
Oui, l’avenir. Lance y pensait déjà depuis un long moment. Ses plans ne s’étaient pas déroulés tout à fait comme prévu. Il avait planifié les attentats depuis déjà un long moment et n’avait jamais envisagé de rester au sein de la Garde après cela. Au contraire, il avait prévu de se faire passer pour mort afin d’endosser plus facilement le costume d’Ashkore, cet alter ego masqué qui aurait continué de semer le trouble parmi les gardiens. Il avait suffi d’un grain de sable dans ses engrenages pourtant parfaitement huilés pour remettre en cause une partie de ses prévisions. Le pire était qu’il aurait dû s’en douter : il suspectait Moody d’être un dragon depuis son arrivée à Eel, mais parce qu’elle n’avait montré aucune particularité draconique à part son essence et son odeur, il l’avait sous-estimée. Il avait pensé à tout pour leurrer son frère, mais n’avait pas pensé à la tromper, elle. Pire, il s’était approprié son corps et cela lui avait tellement plu qu’il lui été désormais difficile de penser à autre chose. Désormais, il avait besoin que Moody se révèle, il avait besoin qu’elle comprenne qui elle était pour le comprendre lui, pour qu’elle devienne sienne à tout jamais.
Lance était prêt à tout pour sa vengeance, mais il était également prêt à tout pour éveiller les pouvoirs de la jeune femme. Dans sa tête, un nouveau plan prenait forme.
Tout compte fait, il avait vraiment hâte qu’elle se réveille.
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