Danser pour exister

Elda évoluait dans une atmosphère des plus lascives, tous ses sens pris à partie par la musique langoureuse et le parfum capiteux qui flottaient dans l’air. Les paupières lourdes, elle observa les corps de ses congénères se mouvoir en une danse envoûtante, accentuée par les jeux de lumière qui donnait l’illusion au temps de s’être ralenti.

Elle aussi n’aspirait qu’à se laisser aller. Elle ignorait juste comment faire.

La jeune femme n’était pas quelqu’un qui aimait se faire remarquer. Sa nature timide l’empêchait bien souvent de s’exprimer. Et quand bien même personne ne risquait de faire attention à elle en ces lieux dédiés à la frivolité et au plaisir, Elda ne parvenait pas à se libérer.

Elle était pourtant si entraînante, cette musique…peut-être qu’un peu d’alcool lui permettrait d’envoyer au diable toutes ses craintes ?

Sans plus réfléchir, la faëlienne s’empara d’un cocktail encore plein abandonné sur une petite table juste à côté d’elle. Elle l’avala d’une traite, savourant à peine le goût à la fois âcre et sucré de la boisson. Progressivement, elle sentit une douce chaleur se répandre dans son ventre et s’étendre dans tout son corps. Ses sens parurent s’exacerber et la musique résonna plus nettement à ses oreilles. Impossible de ne pas répondre à son appel.

Alors Elda ferma les yeux et lâcha prise. Son corps se mit à onduler dans la pénombre, parcourut d’éclats de lumières colorés. Ses jambes et ses bras suivirent le mouvement, d’abord doucement, puis avec plus d’entrain, suivant le rythme de la mélodie. Bientôt, Elda ne pensa plus à rien. Seules comptaient la musique et la danse improvisé par son corps pour lui répondre.

Sans qu’elle ne le remarque, les regards commencèrent à converger vers elle, happés par sa grâce, et les murmures se turent. La timide Elda devint progressivement le centre de l’attention du night-club et un cercle se créa autour d’elle.

Elle ne sut au juste ce qui la fit revenir à elle. Peut-être le poids des regards, ou les effets de la boisson qui s’estompaient. Toujours était-il que la jeune femme finit par ouvrir les yeux et apercevoir tous ces yeux braqués sur elle. Embarrassée, elle promena sur sa silhouette menue un regard affolé, cherchant ce qui avait pu attirer l’attention de tous ces gens. Les regards n’étaient pas hostiles, ni moqueurs, juste…subjugués.

Ne supportant plus cet excès d’attention, la jeune femme prit la fuite en direction de la sortie, se frayant un passage dans la masse de badauds sans que nul ne cherche à la retenir.

« Attends ! »

Elda entendit vaguement qu’on essayait de l’appeler, mais elle ne voulait pas rester une seconde de plus dans ces lieux. Elle préférait se faire oublier.

Heureusement, ou malheureusement, une main la saisit au bras, la forçant à se retourner.

Un homme, un faery dont elle ne sut déterminer la race, la contemplait, fasciné. Il lui tendit un morceau de papier, criant pour se faire entendre par-dessus la musique :

« Tu as un sacré talent, et on recherche des danseuses. Reviens demain et demande moi au vigil, je m’appelle Luan. »

Elda hocha machinalement la tête, plus dans l’espoir de se débarrasser de l’homme que pour accepter sa proposition. Celui-ci lui sourit avant de disparaître, la laissant seule avec son ébahissement et le bout de papier.